Couverture du livre Le Flic De Dakar

Le Flic De Dakar

Faire respecter sa loi !

Le policier Diané et ses acolytes, Hassan et Ibrahim, sont confrontés à l’enlèvement d’Ousmane Ali, fils de Mohamed Ali et de Fatoumata Aïdara.

Tandis que sa famille cherche désespérément à savoir qui pourrait bien être derrière cette disparition, Diané et son équipe se lancent dans une enquête risquée qui les mènera jusqu’à des personnes très puissantes et mystérieuses.

Une course contre la montre commence pour sauver Ousmane et faire éclater la vérité, dans une aventure palpitante qui pourrait leur coûter la vie.

Auteur

Papywoss

Éditeur

Poésie.io

Nombre de pages

130 Pages

Date de parution

2019

Langue

Français 

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Couverture du livre Le Flic De Dakar

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Le Vide Après le Verre

Dans la douce torpeur d’une soirée dakaroise, le Novotel s’éveillait sous les auspices d’une nuit étoilée. Le 25 novembre avait revêtu son manteau de fête, et les lumières scintillantes de l’hôtel se reflétaient dans les yeux des passants. Ousmane Ali, dont la prestance était rehaussée par un costume trois-pièces d’un gris anthracite, attendait avec une impatience contenue. À ses côtés, Amina Fall, éblouissante dans une robe rouge carmin, attirait les regards admiratifs. Sa tenue, d’une élégance rare, épousait ses formes avec grâce, tandis que le tissu chatoyant ondulait à chacun de ses pas.
Le couple s’installa à une table isolée, à l’abri des regards curieux. Leur conversation, ponctuée de rires et de regards complices, semblait suspendre le temps.
- Amina, commença Ousmane avec un sourire malicieux, si je te demandais de compter les étoiles, penses-tu que tu pourrais arriver au nombre de jours où je souhaite être avec toi ?
– Oh Ousmane, répliqua Amina en riant, je crains que même le ciel ne soit pas assez grand pour cela. Mais dis-moi, serais-tu prêt à plonger dans l’océan pour chaque fois que j’ai pensé à toi aujourd’hui ?
– Je craindrais de ne jamais remonter à la surface, dit-il avec un clin d’œil. Mais parlons sérieusement, envisages-tu un futur où nos rires se mêleraient chaque jour ?
– Mon cher, répondit Amina avec un sourire espiègle, je ne vois pas de futur sans cela. Mais si tu continues à me faire attendre pour ta réponse, je pourrais commencer à compter ces étoiles moi-même.
Le garçon de café fit son apparition, déposant avec soin les assiettes de douceurs sucrées, mettant momentanément fin à leur conversation empreinte de tendresse. Cependant, ce n’était qu’une pause éphémère. Ces deux âmes s’accordaient toujours pour trouver de nouveaux sujets de discussion. Dialoguer, papoter, éclater de rire et se chamailler formaient le cœur de leur complicité.
– Ousmane, reprit Amina, tu sais, je me demandais… si tu étais un dessert, lequel serais-tu ? demanda Amina avec un sourire taquin.
– Hmm, réfléchit Ousmane, je serais probablement un fondant au chocolat, doux et chaud à l’intérieur, mais avec une apparence sérieuse à l’extérieur. Et toi, ma chère Amina, quel plat te représenterait le mieux ?
– Je serais un tiramisu, répondit-elle en riant. Douce et forte à la fois, et impossible à résister, n’est-ce pas ?
– Absolument irrésistible, acquiesça Ousmane. Mais je dois avouer que je suis un peu jaloux de ce tiramisu maintenant.
– Et pourquoi donc ? demanda Amina, curieuse.
– Parce qu’il connaît le goût de tes lèvres mieux que moi en ce moment, dit-il avec un clin d’œil avant de se lever. Je reviens, ne laisse personne voler ma place, surtout pas ce tiramisu prétentieux.
Ousmane s’excusa pour une brève visite aux toilettes. Les minutes s’égrenèrent, une, puis cinq, et bientôt vingt. L’absence d’Ousmane se fit pesante, et Amina, gagnée par l’inquiétude, se leva pour le chercher. Les couloirs étaient déserts, et les toilettes, silencieuses. De retour dans la salle principale, l’angoisse d’Amina explosa en un cri déchirant.

– Mon petit ami a disparu ! Aidez-moi s’il vous plait.
Les employés, réactifs, lui présentèrent les images des caméras de surveillance, mais Ousmane n’apparaissait sur aucun écran. Amina, tremblante, appela la police et la famille d’Ousmane.

Dix minutes plus tard, les sirènes annoncèrent l’arrivée des forces de l’ordre. 
L’inspecteur de police fit son entrée, imposant respect et autorité. Son regard perçant balaya la salle avant de se poser sur Amina.

– Mademoiselle, pouvez-vous me dire depuis combien de temps Monsieur Ali est introuvable ? A-t-il mentionné des soucis récents ou des ennemis potentiels ?

Amina, bouleversée, secoua la tête, incapable de fournir la moindre piste.
L’interrogatoire continuait quand, soudain, la famille d’Ousmane arriva en trombe. La mère d’Ousmane, Fatoumata Aïdara, en tête, s’adressant à l’inspecteur avec une détresse palpable. 

– Monsieur l’agent, où est mon fils, hurla Fatoumata Aïdara de toutes ses forces.
- Madame Ali, lança l’inspecteur avec un ton rassurant. Essayez de vous calmer. C’est pour retrouver votre fils que nous sommes ici.

L’agent en personne s’appelait Moustapha Diané. Il était considéré comme le policier le plus actif et le plus habile de Dakar. Il avait d’ailleurs très vite prouvé ses capacités. Malgré le zèle de quelques-uns de ses collègues, empressés à mettre sur son chemin tout ce qui aurait pu lui permettre de trébucher et de se ridiculiser, il était très vite arrivé au sommet de la hiérarchie.

– Je vous en prie, ramenez mon enfant, implora Fatoumata Aïdara.
– Soyez assurée que nous mettrons tout en œuvre, Madame, assura Monsieur Diané. Votre coopération est précieuse. Que savez-vous de sa disparition ? Rencontrait-il des difficultés ?
– Depuis l’arrestation de Mohamed Ali, le père d’Ousmane, qui était employé chez Black Diamond, notre famille est en conflit avec les Tall, confia Fatoumata Aïdara. Les menaces n’ont cessé depuis. Mon époux a été injustement condamné à cinq ans de prison pour un détournement de fonds qu’il n’a jamais commis, après la signature d’un contrat où Black Diamond devait recevoir trente pourcent des bénéfices. Tout cela est faux. Mohamed Ali et ses avocats crient au complot. C’était pour protéger Amadou Tall, un des leurs, qui avait dilapidé des sommes colossales dans de mauvais investissements.
– Nous vous remercions pour ces informations, Madame Ali, conclut Monsieur Diané. Nous allons réexaminer tous les dossiers concernant cette affaire. Rentrez chez vous, nous vous contacterons pour toute avancée dans l’enquête.
– Merci, Monsieur.

L’inspecteur Diané, connu pour son flair infaillible, prit des notes méticuleuses. Il savait que chaque détail pouvait être la clé de l’énigme. Alors que la nuit s’avançait, il se préparait à plonger dans les profondeurs d’une affaire qui promettait d’être aussi tortueuse que les ruelles de Dakar.

Le Vent de Panique

Le soleil peinait à percer la grisaille matinale qui enveloppait Dakar lorsque Monsieur Diané, inspecteur à la Police Nationale, franchit le seuil de son bureau. Une affaire sombre pesait sur ses épaules : la disparition d’Ousmane Ali. Son seul indice était un téléphone portable brisé, retrouvé dans les toilettes de l’hôtel. Avec l’aide de ses techniciens informatiques, Monsieur Diané s’aventura dans les méandres numériques du défunt appareil, espérant y trouver un indice, une piste qui le mènerait vers la vérité.

Il se tourne vers ses techniciens, deux jeunes hommes aux visages concentrés.
– Dites-moi, messieurs, avez-vous pu récupérer des informations sur ce téléphone ?
– Monsieur, lança l’un des techniciens, le téléphone est sérieusement endommagé, mais nous avons réussi à extraire quelques données.
– Le dernier appel d’Ousmane Ali provenait d’un certain Abdoul Mbaye, affirma l’autre technicien.
– Abdoul Mbaye ? Localisez-le immédiatement, ordonna Diané, la colère faisant vibrer sa voix d’une urgence rare.
L’adresse en main, Monsieur Diané s’empressa de prendre la route. Il ne s’attarda guère, mais prit tout de même le soin de solliciter l’appui de son fidèle adjoint avant de partir.

Une chaleur lourde pesait sur Dakar, écrasant la ville sous son soleil impitoyable. Une voiture de police noire, banale en apparence, se gara devant une somptueuse villa du quartier chic des Almadies. Deux hommes, Monsieur Diané et Assane Sané, en descendirent, leurs visages dissimulés derrière des lunettes de soleil.
– Nous y sommes ? questionna Monsieur Diané en observant la maison éclatante.
– Tout à fait, confirma Assane Sané, son adjoint.
– D’accord, acquiesça Diané. Vérifions s’il est à l’intérieur.
Ils furent accueillis par une voix tremblante :
– Qui va là ?
– Police. Laissez-nous entrer !
Un adolescent se matérialisa, oscillant entre doute et frayeur.
– Je n’ai rien fait de mal !
– Calmez-vous, l’apaisa Diané. Nous ne sommes pas ici pour vous faire du tort.
– En êtes-vous sûr ? Que me voulez-vous alors ?
– Nous discuterons de tout ça une fois à l’intérieur, déclara Diané avec assurance.

Malgré l’angoisse qui le rongeait, le jeune Abdoul Mbaye fit preuve d’une hospitalité contrainte, guidant ses visiteurs vers le salon baigné d’une lumière douce et accueillante.
– Je vous prie, prenez place, offrit-il d’une voix ébranlée.
Les deux policiers s’affaissèrent dans des fauteuils qui semblaient engloutir leur tension.
– C’est bien vous, Abdoul Mbaye ? interrogea Diané, son regard ne quittant pas le visage du garçon.
– En personne, murmura-t-il en retour.
La gravité de la situation s’intensifia lorsque Diané reprit :
– Nous devons vous questionner concernant Ousmane Ali. Il est de vos connaissances, n’est-ce pas ?
– Oui, que lui est-il arrivé ?
L’inquiétude d’Abdoul était palpable.
– Il a disparu. Hier soir, au Novotel, révéla Diané d’un ton sombre.
– Disparu ? Mais… nous avions conversé hier au soir, avoua Abdoul, perdu.
– Nous sommes informés de votre échange, lança Assane Sané, la voix tranchante. C’est la raison de notre présence.
Submergé par l’accablement, Abdoul laissa échapper des larmes.
– Je vous assure, je n’ai aucune part dans cette disparition.

- Nous voulons juste savoir de quoi avez-vous parlé hier et où étiez-vous en ce moment, précisa Monsieur Diané, d’un ton à peine perceptible, pour mieux rassurer le jeune garçon.
Abdoul Mbaye, tente de retrouver son calme.
– J’étais ici même, dans cette maison. Nous avons évoqué sa relation amoureuse, il semblait si déterminé à la concrétiser par un mariage.
– C’était tout ? interrogea Monsieur Diané, imperturbable.
– Il y avait une ombre d’inquiétude dans sa voix. Juste avant de raccrocher, des bruits sourds, des murmures indistincts… Je pensais qu’il était entouré d’amis, expliqua Abdoul, la voix tremblante.
– Êtes-vous absolument certain de vos propos ? insista Assane Sané, sceptique.
– Oui. Il paraissait même paniqué. Je vous en supplie, rassurez-moi, il n’a rien de grave ?
– Nous l’ignorons, répondit Monsieur Diané, les yeux fixés sur Abdoul. Mais soyez assuré que nous mettrons tout en œuvre pour le retrouver.

 

Mieux valait, le lendemain, ne pas sortir de la maison des Ali. Un vent de panique, d’une rare violence avait chassé bien loin, non sans soulever de lourds nuages de poussière, l’atmosphère d’habitude silencieuse et studieuse.
Mohamed Ali, alerté en France de la disparition de son fils, prit d’urgence le chemin du retour vers Dakar, auprès de sa famille.
- Si cette affaire porte la marque des Tall, ils regretteront amèrement leur geste, jura Mohamed Ali, l’ire dans la voix. Je ne me laisserai pas intimider cette fois.

Sa femme essaya de le calmer.
– La police est déjà sur le dossier, dit-elle avec douceur. J’ai confiance en leur capacité à le retrouver.

– Je ne peux me résigner à attendre sans agir, répliqua Mohamed, l’agitation palpable dans sa voix.

- Prends garde, les Tall ne reculeront devant rien, l’avertit-elle.

– Ne t’en fais pas.

 

Dans l’ombre de son appartement, Amina Fall se sentait perdue, chaque minute de plus, l’absence d’Ousmane devenant un fardeau plus lourd.
Sa mère, tenta de lui apporter un peu de réconfort.
– Ousmane n’est pas homme à se laisser vaincre par le destin, assura-t-elle. Tu dois rester solide, comme il l’aurait voulu.
– Je n’en ai plus la force, maman… Son absence, c’est comme si j’avais moi-même noué le fil de son sort funeste.
– Voyons, Amina, tu sais bien que ce n’est pas de ta faute, rétorqua sa mère avec une fermeté teintée de tendresse. Tu as épuisé toutes tes forces, mobilisé toutes tes ressources pour aider à le retrouver. Arrête de te culpabiliser.
– Maman, s’il te plait, laisse-moi seule, chuchota Amina. J’ai besoin de me retrouver face à moi-même.
– Comme tu voudras, concéda sa mère, avant de se diriger vers la cuisine. Je vais te préparer quelque chose à manger.

 

Le temps pressait pour Monsieur Diané. Il interpella sa secrétaire, une jeune femme à la chevelure ébène.
– Mademoiselle Aïcha ?
– À votre service, Monsieur Diané, répondit-elle avec une voix douce et mélodieuse.
– J’ai convoqué Omar Aw, le veilleur de Novotel.

Mademoiselle Aïcha observait son patron, Monsieur Diané, avec une affection profonde et une admiration sans faille. Aucune femme n’aurait pu la juger pour cela.
Monsieur Diané avait l’allure d’un homme dans la force de l’âge, trente-six ans environ, mais avec une présence athlétique, à la fois imposante et élancée. Ses sourcils épais et ses yeux perçants ne faisaient qu’intensifier son regard sombre et captivant, presque insoutenable. Son front légèrement dégarni, son nez aquilin et sa barbe soignée ajoutaient une touche de mystère à ce visage énergique, lui donnant une allure presque diabolique.

Mademoiselle Aicha, timide, baissa enfin la tête.

– Il vient d’arriver, chuchota-t-elle.

– Alors, faites-le entrer !

Mlle Aicha, alors, toute fébrile sortit du bureau.
Quelques instants plus tard, Monsieur Diané priait Omar Aw de s’installer dans son accueillant et luxueux fauteuils en cuir.

Omar Aw se laissa donc absorber entre les accoudoirs de ce siège ample et moelleux. Puis, il se comporta comme un visiteur muet.

– Bonjour Monsieur Aw, je suis l’inspecteur Diané, responsable de l’enquête sur la disparition d’Ousmane Ali.
– Bonjour Monsieur Diané, j’ai apporté toutes les bandes de surveillance de la nuit en question, répondit Omar Aw en tendant plusieurs cassettes à l’inspecteur, qu’il posa sur la table.
– Merci, Monsieur Aw. Je vais faire venir notre technicien analyste pour examiner ces vidéos avec nous. Un instant, s’il vous plaît.
– Bien sûr, monsieur.
Monsieur Diané s’éclipsa brièvement de son bureau pour retrouver le technicien au sein du commissariat. À son retour, il découvrit Omar Aw, plongé dans un sommeil soudain.
Mademoiselle Aïcha le secouait doucement.
– Monsieur Aw, réveillez-vous.
L’inspecteur Diané l’observa, un frisson d’appréhension traversant son esprit.
– Laissez, Mlle Aïcha, cessez. Voilà bien ce que je craignais : il est mort.

– Mort ?

– Assassiné…

La Note Sous la Table

Cela ne s’arrangeait pas. On imagine la fureur de Monsieur Diané sinon sa surprise. Il s’avouait surtout humilié.

Il fallait certes une audace peu ordinaire pour oser assassiner quelqu’un dans le bureau du lieutenant de la plus puissante police de Dakar. Le bureau le mieux gardé ! Le policier le mieux secondé !

- Et bien sûr, constatait Mlle Aicha, non moins consternée, les cassettes ont aussi disparu.

Monsieur Diané, aveuglé par la colère, éprouva soudain, pour se soulager, l’irrésistible envie de gifler son innocente collaboratrice.
 Mais galant homme, il parvint à se maitriser.


Mlle Aicha parvint à dominer sa timidité afin de rentrer dans le bureau de son patron bien aimé pour lui soumettre les résultats de l’autopsie de Oumar Aw.

- Quoi encore ? demanda Monsieur Diané, qui s’attendait à tout.

– C’est fort étrange. Monsieur Aw est mort d’un empoisonnement.

– Je m’en doutais. C’est pour ça que vous me dérangez ?

– il y a autre chose, patron, avoua la tendre, délicate Mlle Aicha. J’ai trouvé une note. Elle a été jetée sous votre table.

Mlle Aicha espérait une réaction enthousiaste. Elle fut déçue.
Monsieur Diané ne semblait plus en espérer grand-chose.
 Il examina cette page de profil, orientée vers la lumière. Il parvient à déchiffrer ce texte : « De la part de votre cher ami Abou Tall ».
Le voilà donc, le mortel secret.

Monsieur Diané s’installa, en dépit de son élégance vestimentaire, dans la position illustre d’un penseur. Et il sombra dans un abime de réflexions. Il fut réveillé par l’instruction de Mohamed Ali accompagné de son frère qui travaillait au Bureau du Procureur, Alioune Ali, un bel homme de trente-sept ans et un ancien ami de Monsieur Diané.

- Alors, mon cher Diané. Le très maléfique Abou Tall a repris du service à ce qu’il parait.

- Comment le savez-vous ? protesta Diané.

Alioune Ali ricana.

- J’ai des espions à mon service, mon cher. Vous devriez vous en douter. Mais permettez-moi de ne pas les dénoncer.

- Vous avez un culot monstrueux, Alioune !
– Mettons de côté nos différends, Diané. Unissons nos efforts pour mener l’enquête et retrouver le fils de mon frère que voici.
– Ce serait pour moi un honneur, s’exprima Mohamed Ali, qui était resté silencieux jusqu’alors.
– Monsieur Ali, je compatis sincèrement pour votre fils, déclara Diané. Je suis pleinement engagé dans cette enquête pour dénicher des indices qui nous conduiront au responsable. Je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour retrouver votre enfant.
– Je vous fais confiance, Monsieur Diané, affirma Mohamed Ali.
– Je suis convaincu qu’Abou Tall est impliqué dans cette affaire, insista Alioune Ali.
– Sans preuves, nous ne pouvons agir, Alioune, rétorqua Diané avec prudence.
– Vous rejetez donc mon aide, conclut Alioune, offensé. Je mènerai l’enquête par mes propres moyens.
– Au contraire, je suis persuadé que votre contribution sera précieuse, corrigea Diané.
– Merci, Monsieur Diané.
– Je suis ravi de vous voir collaborer, intervint Mohamed Ali. Bonne chance à vous.

– Nous n’en manquerons pas, dit aussitôt Diané.

L’atmosphère chez les Ali était loin de la normalité habituelle. La disparition d’Ousmane Ali occupait toutes les pensées. Amina Fall et Abdoul Mbaye avaient rendu visite à Fatoumata Aïdara, la mère d’Ousmane, dont la santé fléchissait sous le poids de l’angoisse.
– Les choses vont s’améliorer, maman, tenta de la rassurer Aminata Ali.
– Cette parole, je l’ai beaucoup trop entendue, répondit-elle avec lassitude.
– Maman, crois-moi, nous retrouverons Ousmane, insista Thierno Ali, le frère aîné.
– Si seulement je pouvais vous croire, soupira Fatoumata Aïdara, l’espoir vacillant.
– Ne perdez pas espoir, intervint Mohamed Ali. J’ai impliqué mon frère Alioune dans l’enquête. Il collabore maintenant avec l’inspecteur Diané.
Un frêle sourire éclaira le visage de Fatoumata Aïdara, un soupçon d’espoir renaissant à l’évocation de cette nouvelle.
Abdoul Mbaye et Amina Fall demeuraient en retrait, silencieux. Ils estimaient préférable de ne pas s’immiscer dans les échanges familiaux, bien qu’ils se sentaient déjà intimement liés à la famille. La disparition de leur ami les affectait profondément, leur proximité avec lui rendant l’épreuve d’autant plus douloureuse.


Alioune Ali fit son entrée dans la demeure familiale, brisant le silence de l’attente.
– Salutations à tous !
– Bienvenue, frère, répondit Mohamed Ali avec un signe de tête.
– Salut, oncle Alioune, dirent en chœur Thierno et Aminata Ali, tentant de sourire.
– Je suis conscient de l’épreuve que vous traversez, reprit Alioune. Soyez assurés que Monsieur Diané et moi-même ne ménagerons aucun effort jusqu’à ce qu’Ousmane soit de retour parmi nous. Je vous le promets. Je ferai l’impossible.
– Ta sollicitude nous touche, Alioune, dit Fatoumata Aïdara. Merci pour ton dévouement.
– Aider ma famille est mon devoir, répondit-il avec sincérité.

La Quête des Frères Détectives

La reprise du travail fut marquée par une découverte inattendue pour Diané et Alioune Ali dans le bureau de l’inspecteur. Une caisse mystérieuse les attendait, portant l’inscription : « De la part de votre cher ami Abou Tall ».
Curieux, Monsieur Diané ouvrit la caisse pour y découvrir un t-shirt et un jean, ceux qu’Ousmane Ali portait la nuit de sa disparition. Un sourire narquois se dessina sur les lèvres d’Alioune Ali :
– Alors, cher Diané, maintenez-vous qu’Abou Tall n’a aucun lien avec cette affaire ?
– Gardez vos suppositions pour vous, et laissez-moi faire mon travail. C’est moi qui mène l’enquête, n’est-ce pas ? répliqua Diané, avec une froideur distante.

Mais, après avoir repris leurs esprits, Monsieur Diané et Alioune Tall eurent la même idée : contacter les frères Hassan et Ibrahim, les deux meilleurs détectives privés de Dakar.

Les deux champions de la filature, des enquêtes et recherches en tout genre, avaient décidé depuis leurs débuts pour aboutir plus vite et mieux, de mettre en commun leurs astuces et leur paresse. 
Hassan était de teint noir et Ibrahim de teint clair. Hassan était maigre et Ibrahim bien rembourré. En revanche, ils étaient à peu près de la même taille : un homme très grand les aurait trouvés très petits. Mais un nain aurait dû lever la tête pour apprécier les gros yeux ronds, noirs et rieurs de Hassan et le sourire indulgent, quoique parfois féroce de Ibrahim.
 Hassan et Ibrahim avaient, en effet, longtemps combattu l’abominable Abou Tall et le connaissait fort bien. Mieux même que Monsieur Diané et Alioune Ali. Car leurs méthodes indépendantes leur avaient souvent permis des contacts plus étroits avec le terrible, impitoyable Abou Tall. Ils s’étaient, en bons chien de chasse, tellement attachés à ses pas qu’ils s’étaient, peu à peu, par la même occasion, attachés par sa personne.

Mais ces deux détectives n’étaient pas faciles à trouver. Monsieur Diané commençait à s’énerver.

Hargneux, il demandait encore à Mlle Aicha, quarante-huit heures plus tard :

– A-t-on retrouvé Hassan et Ibrahim ?

- Non Monsieur Diané, avoua Mlle Aicha, penaude.

– C’est inadmissible ! dit-il très énervé en mettant un poing sur sa table. Appelez-moi Assane Sané.

Et, par l’intermédiaire du téléphone, mais en langage codé, Diané versa dans l’oreille de l’inspecteur en question tout ce qui lui inspirait l’incapacité lamentable des fonctionnaires placés sous ses ordres. Puis, il ordonna au dit Assane de poursuivre ses recherches et raccrocha.


Monsieur Diané était révolté. On avait fouillé les gares, les prisons, les morgues et même les poches d’un tas de gens, sans retrouver Hassan et Ibrahim.

– Incapables ! Fainéant !

Monsieur Diané félicitait ses inspecteurs, convoqués et impassibles, dans son bureau.

– Avec tous les moyens dont nous disposons : la police, les fiches des ministères, les indicateurs, les pompiers, etc. ; vous êtes si bêtes que vous ne trouveriez même pas vos propres noms dans l’annuaire du téléphone.

– Aaah ! Patron !

Mlle Aicha, une fois de plus, réagissait la première. Elle était revenue après avoir avalé un petit gorgé de café pour se remettre.

– Patron ! L’annuaire ! On a cherché partout sauf dans l’annuaire.

– Et qu’attendez-vous donc ?

L’annuaire, en effet, révélait bien une adresse : Hassan et Ibrahim, détectives privés, Boulevard du Président Habib Bourguiba, Dakar. Mais on apprit sur place, que les deux disparus n’y habitaient plus, depuis trois ans. Le concierge daigna quand même de donner un renseignement : Hassan et Ibrahim avaient donné l’ordre de faire suivre leur courrier au Nord Foire.

Cela donc, depuis trois ans, Hassan et Ibrahim avaient-ils renoncé à leur vocation ?

Monsieur Diané décida d’aller passer cette belle journée d’été au Nord Foire.


Parvenu au cœur de la ville tranquille, Monsieur Diané fut saisi d’indécision sur la direction à prendre. Ne trouvant pas de réponse à cette question irritante, il s’adressa au premier commerçant qu’il rencontra.
– Excusez-moi, pourriez-vous me dire si vous connaissez Hassan et Ibrahim ?
Le commerçant regarda Monsieur Diané avec une certaine fierté, celle de connaître tout un chacun dans le quartier.
– Évidemment, ils sont bien connus ici.
– Pourrais-je avoir leur adresse ?
– Bien sûr, Rue YF 421.
– Est-ce loin d’ici ?
– Non, c’est à cinq minutes à pied. Continuez tout droit, puis tournez à gauche, encore à gauche, puis tout droit. Vous passerez ensuite à côté de la Résidence de l’Air.
– Je vous remercie grandement.

En effet, Monsieur Diané trouva la maison. Il trouvait déjà le temps long. Le reste ne pouvait lui réserver aucune difficulté. Il s’arrêta devant la grille d’une somptueuse propriété, verdoyante, rougeoyante, paradisiaque. Il sonna. Et au bout de quelques minutes, un homme d’une très grande allure ouvrit la porte.

– Bonjour, est-ce que Messieurs Hassan et Ibrahim habitent ici ?

– Oui monsieur.

– Je désire leur voir.

– Donnez-moi quelques minutes, je vérifie s’ils sont disponibles.

Puis il hurla :

– Monsieur Hassan, Monsieur Ibrahim, vous êtes là ?

Deux cris, au loin, retentirent :

– Non !

C’était négatif, catégorique et indiscutable.

Monsieur Diané insista quand même. Et de loin, il perçut deux voix, résignées et consentantes.

La porte de la grille grinça lentement. Et sans accélérer, l’homme conduisit Monsieur Diané jusqu’à ses maitres.

– Messieurs Hassan et Ibrahim ?

– Ça se pourrait. Et alors ? grogna Ibrahim.

– Diané, inspecteur à la Police Nationale. Vous avez sans doute entendu parler de moi.

Hassan voulut bien l’admettre, d’un ton blasé.

– Vaguement, oui.

- Je me disais aussi, marmonna Diané.

– Et alors Monsieur Diané, demanda Ibrahim. Quel bon vent vous amène ?

– Celui de l’orage.

– Mauvais moral, Monsieur Diané ? supposa Hassan.

– Non, mais…

– On sait ce que c’est, décida Hassan. Vous prendrez bien une petite limonade.

Les deux détectives lui offrirent, en même temps, un verre et une chaise.
Diané alors se détendit un peu, non sans admirer le paysage.

– Vous avez une bien jolie maison.

– Merci beaucoup, Monsieur Diané, répondit Hassan.

– Pourriez-vous quand même, le cas échéant, reprendre vos activités d’autrefois ?

– À quoi bon ? s’exclama Hassan, surpris. On est bien ici.

– J’aurai pourtant besoin de vous, avoua Diané, pour m’aider dans une tâche ardue. Je dirige une enquête d’enlèvement de l’un des enfants de Mohamed Ali et neveu de Alioune Ali du Bureau du Procureur. Sans compter l’assassinat, dans mon bureau de Omar Aw, le veilleur de Novotel.

Hassan en convint :

– Oui, en effet, on nous en a parlé.

– Pourtant, chaque fois, poursuivit Diané, on me laisse une note : « De la part de votre cher ami Abou Tall ».

– Abou Tall ? Vieille connaissance !

– Il y a là un mystère, lança Diané. Je ne suis pas sûr que ce soit son œuvre.

- Et comment le sais-tu ? demanda Ibrahim surpris.

– C’est là qu’est le problème. Alors vous qui avez longtemps poursuivit Abou Tall et en le démasquant plus d’une fois, vous pouvez peut-être m’aider à trouver ce qui ne colle pas dans cette histoire.

- Nous ne sommes en service, répondit Hassan.

– Ça ne vous dirait rien de reprendre du service ?

Hassan et Ibrahim se regardèrent, pensifs. Puis, de nouveau, d’une seule voix, ils répliquèrent :

– Non Monsieur Diané, n’insistez pas.

Un allié imprévu allait aider Monsieur Diané à remettre Hassan et Ibrahim sur le sentier de la guerre.

Le gardien vint à ce moment précis, annoncer un autre visiteur.

Alioune avait été leur ami. Hassan et Ibrahim ne pouvaient que l’accueillir à bras ouvert.
La vue de Diané gâcha pourtant son plaisir.

– Alors, Diané, grogna-t-il, je vous trouve toujours sur mon chemin.

– Nous sommes tous deux au service de l’ordre, mon cher Alioune. Vous êtes venu voir Hassan et Ibrahim pour les mêmes raisons que moi, non ?

– Hassan et Ibrahim sont mes amis ! précisa Alioune Ali avec fierté.

– Raison de plus ! Puisque vous pensez aussi qu’ils peuvent nous aider à résoudre le problème de l’enlèvement.

Hassan et Ibrahim se taisaient, un peu amuses. Ils se laissaient volontiers supplier.

Alioune ne perdit davantage de temps.

– Les amis, reprit-il, solennel, joignez-vous à nous. Je vous le demande en souvenir de nos luttes communes.

Et comme Hassan et Ibrahim restaient muets, Diané consentit à les supplier :

– Allons Hassan, allons Ibrahim, puisque je vous le demande aussi.

- Qu’est-ce tu en penses, Hassan ? demanda Ibrahim.

– Comme toi, Ibrahim.

Les deux détectives décidèrent alors de renoncer le paradis qui les avait adoptés pour se lancer dans l’enquête avec Diané et Alioune.

- D’accord, nous acceptons, lança Hassan.

– Il nous faut un accord total, sans réserve, définitif, décida Diané. Prêtons serment de nous entraider jusqu’au bout.

Alioune reprit alors la parole.
– Nous jurons de pourchasser Abou Tall…

– Non, protesta Diané. Jurons plutôt de pourchasser l’ennemi invisible et d’unir nos forces pour la victoire totale.

- Je le jure !

– Je le…

Une effroyable explosion les cloua au sol.
Essayant de sortir de la maison, ils demeurèrent, un instant, couchés, paralysés par commotion et par la stupeur. Puis ils s’ébrouèrent, sains et saufs, seulement un peu meurtris.

- On a failli mourir, déclara Alioune.

– Mais notre maison est détruite, avoua Hassan, qui ne parvint à retenir ses sanglots de rage et de haine.

Ils trouvèrent, là où ils étaient positionnés, une plaque blanche, d’un métal quelconque.
Ils lurent ces mots attendus : « De la part de votre cher ami Abou Tall ».

Entre Ruines et Révélations

L’émotion soulevait la famille Ali. A vrai dire, soulevés ou non, les gens, terrorisés, restaient les pieds sur terre et n’exprimaient qu’à voix basse leur douloureuse indignation.

Abou Tall ne pouvait avoir, tout seul, être derrière tous ces évènements. Il devait compter beaucoup de complices qui l’aident à le faire. On se méfiait donc de parler de lui à voix haute. D’autant plus que personne ne savait pourquoi il avait enlevé Ousmane Ali.


Tout le monde accusait le mystérieux Abou Tall. Mais personne ne savait comment ni pourquoi. Monsieur Diané demeurait sceptique à ce sujet. Et les membres de la famille Ali, eux même, ne savait plus quoi faire.

Mohamed Ali prit quand même la parole, avec son éloquence bien connue.

- Il est inadmissible qu’Abou Tall puisse encore se livrer exécrables méfaits. Quand et comment va-t-on agir ?

Alioune Ali lui répondit.

- La Police Nationale et le Bureau du Procureur ont déjà envisagé de prendre toutes les dispositions utiles selon les possibilités en ses pouvoirs, pour que, sans faiblesse, puisse être déposé une loi, déterminant une action progressivement immédiate, afin qu’on puisse savoir ce qui s’est réellement passé.

 

Hassan et Ibrahim, cependant plein d’amertume, arpentaient les ruines de leur maison. Ils sentaient renaitre une haine féroce envers Abou Tall.

Tout ce qu’ils aimaient, tout ce qui les retenait, avait été pulvérisé :
- Plus de murs !

– Plus de toit !

- Je te jure que je vais l’avoir cet ignoble Abou Tall, lança Hassan très en colère.

- Il le paiera très cher, répliqua Ibrahim.

 

À Dakar, dans son bureau, la colère de Diané ne cessait de s’accentuer :

- L’enlèvement d’Ousmane, la mort d’Omar Aw dans mon bureau, la tentative de meurtre au Nord Foire. Et tout ça, toujours « De la part de votre cher ami Abou Tall » !

Mlle aicha, pour le calmer un peu, lui passa le téléphone. Il ne s’agissait quand même pas d’un acte gratuit.
Une voix gutturale, au ton poli mais sec, impératif venait de demander à parler à Monsieur Diané :

– Écoutez bien, Monsieur Diané, n’essayez pas de nous barrer la route. Ni vous, ni Alioune Ali, ni Hassan et Ibrahim… Nous vous avons raté de peu, au Nord Foire. Prenez ça comme un simple avertissement de ce qui se passera si vous essayez de nous arrêter.

– Qui est à l’appareil ? demanda vainement Monsieur Diané.

- Devinez…

L’inconnu ricana et raccrocha.

Monsieur Diané ne pouvait plus supporter tout cela. Après avoir assassiné Omar Aw dans son bureau, les malfaiteurs osaient le menacer, lui, inspecteur de police. On ne respectait décidément plus rien du tout.
Mais cet ennemi arrogant avait commis une erreur qui donna à Monsieur une autre piste.

- Pouvez-vous localiser la provenance de l’appel que je viens de recevoir ?

Les spécialistes des télécommunications de la Police Nationale savaient que Diané, exaspéré, ne leur pardonnerait plus ni la lenteur, ni la plus petite erreur. Ils se hâtèrent et justifièrent, enfin, une réputation qui commençait à décliner. Ils informèrent aussitôt leur patron que l’appel détecté venait d’une cafétéria, près de l’hôtel Novotel.
Diané y envoya aussitôt deux de ses agents dont la présence d’Assane Sané. Il décida tout de même d’appeler à la cafétéria pour que l’on puisse empêcher le suspect de quitter les lieux avant l’arrivée de ses hommes sur place.

– Ici, la Police Nationale ! Un homme vient de téléphoner, il y a quelques instants… Ils étaient deux ? Bon… Sont-ils toujours sur place ?… Oui !… Retenez-les coute que coute jusqu’à l’arrivée de mes hommes. Débrouillez vous !… Gagnez du temps.

L’autorité de Diané avait impressionné le propriétaire de la cafétéria.
Il réussit, tant bien que mal, à occuper ses deux clients suspectés par la police en leur offrant de nouveaux verres, en discutant avec eux, en leur proposant des jeux.
Les deux suspects ne déclinaient aucune offre du gérant. Ils se laissèrent agréablement tenter.

Celui qui avait téléphoné se tenait raide, cambré, hautain, le coup épais, le menton levé haut, sous des lèvres minces, cruelles, un petit nez, un regard pale, inexpressif, un crâne rasé. Des deux, ce devait être lui le chef car il portait un monocle. Son compagnon, plus athlétique mais plus petit, plus massif laissait une impression encore plus bestiale. Et il ne dédaignait pas l’alcool.
Avec un délicat claquement de langue, il apprécia :

– Fameux Richard !

Le nommé Richard cligna des yeux. Deux petites lueurs féroces, coupantes comme un laser, fusillèrent la brute.
Richard, néanmoins, avala une gorgée d’eau avant d’ordonner, d’un ton à peine perceptible et non moins menaçant :

– Pas de nom, je te l’ai déjà dit.

– Bon, bon, patron, admit l’autre, avec une bonne grosse voix tranquille, presque affectueuse.
– Pas de patron non plus !
Mais comment vais-je vous appeler alors ?

- Appelle-moi « Ténor ». Maintenant, partons.
Richard lança, en direction du comptoir :

– Au revoir et merci pour l’accueil.

Au même moment, deux hommes au regard fureteur entrèrent dans la cafétéria. L’un d’eux, sans perdre davantage de temps, demanda le téléphone après avoir adressé au patron un coup d’œil complice :

– Allo, Monsieur Diané ? Nous avons trouvé les deux hommes. Ils sont toujours là. Un type avec un monocle et un autre avec un mégot.

Assane Sané n’obtint qu’un ordre : ne pas les laisser s’échapper.

Alors les deux inspecteurs se dirigèrent vers les deux suspects :

- C’est la police, lança Assane Sané. Vous êtes en état d’arrestation. Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous. Vous avez le droit à un avocat. Si vous n’avez pas les moyens de vous en payer un, on vous en admettra un d’office.

– Vous le regretterez messieurs ! lança Richard.

– Vous ne l’emporterait pas au paradis, promis le compagnon de Richard.

La Confrontation Inattendue

Arrivés au poste de police, Monsieur Diané demanda à parler aux deux suspects.

– Monsieur, protesta Richard, solennel, vous n’avez pas le droit. C’est un abus de pouvoir.

Diané eut un sourire courtois.

– A quoi sert d’avoir un pouvoir, si ce n’est pour en abuser ?

– C’est une erreur judiciaire. Qu’est-ce que vous nous reprochez ? demanda Richard.

Diané, maintenant riais gaiement.

– Comme vous m’avez dit au téléphone, tout à l’heure, « devinez »
.
Richard n’insista pas. Son complice et lui furent ainsi conduit dans la salle interrogatoire.

Le compagnon de Richard, visiblement, se retenait pour ne pas pleurer de rage. Mais Richard ne laissait nullement apparaitre sa déception. Pour lui, sans aucun doute, si la mobilisation n’était pas la guerre, l’arrestation n’était pas la détention.

Diané ne les laissa pas d’ailleurs méditer longtemps. Après avoir vérifié toutes les issues, et disposé tout autour ses inspecteurs les plus vigilants, il rejoignit ses prisonniers mais n’en tira rien. Contre toutes vraisemblances, Richard prétendit ne jamais lui avoir téléphoné.
Diané, pourtant reconnaissait sa voix.

- Nous vérifions, lui promit Diané. Votre prénom ?
– Richard.

– Et toi là ? demanda Diané à l’autre.

– Junior.

- Bien ! Nous complèterons avec l’identité judiciaire.

Diané, alors, appela Assane Sané.
– Je vous les confie. Surveillez-les bien.
– D’accord monsieur.

Diané s’en alla, pleinement rassuré.


Son retour dans dans la salle interrogatoire ne s’était pas passé comme il l’imaginait. Il trouva, au sol, l’inspecteur Sané inconscient et les deux suspects disparus dans la nature.
Toute recherche devenait inutile, superflue. Les mystérieux adversaires de Diané avaient donc gagné une manche.

Diané, en guise de consolation, ne possédait, pour tout indice, que le portefeuille de Richard qui ne contenait rien qu’une simple carte postale.

 

Le soleil venait à peine de se lever sur la ville quand Hassan et Ibrahim s’installèrent pour leur petit déjeuner dans le restaurant local. La récente destruction de leur demeure pesait lourd sur leur moral, alimentant leur rancœur envers Abou Tall, qu’ils suspectaient d’être l’instigateur de cet acte malveillant.

Alors qu’ils trempaient leurs croissants dans le café, un homme imposant fit son entrée. Sa stature dépassait celle de l’ordinaire, et son pas déterminé ne laissait aucun doute sur son intention de les aborder. Sans un mot, il s’avança vers eux, son ombre projetée sur la table où les deux hommes tentaient de retrouver un semblant de quiétude.

– Bonjour, messieurs, commença l’envoyé. Je viens de la part d’Abou Tall.
Hassan et Ibrahim échangèrent un regard surpris, sans mot dire.
– Vous saviez que nous serions ici ? interrogea Ibrahim.
– Non, je vous ai suivis, avoua l’homme sans détour.
– Et que veut Abou Tall de nous ? demanda Hassan, l’air perplexe. Il cherche à en finir une bonne fois pour toutes ? À nous éliminer ?
– Il m’a chargé de vous dire que si vous souhaitez obtenir des informations le concernant, relatives aux récents événements dont il est accusé, il vous invite à le rejoindre au Novotel dans quinze minutes. Je suis là pour vous y conduire… si toutefois vous acceptez son invitation.
– Entendu, acquiesça Hassan sans hésiter.
– Est-ce vraiment prudent ? s’inquiéta Ibrahim.
– C’est au Novotel, rien ne peut nous arriver là-bas, assura Hassan.
– Alors suivez-moi, conclut l’homme. La voiture vous attend à l’extérieur.

Tout au long du trajet, Hassan et Ibrahim étaient plongés dans leurs pensées, tentant de démêler les raisons pour lesquelles Abou Tall les avait contactés directement, plutôt que de passer par la police. Ils optèrent pour garder le silence sur cette rencontre, ne prévenant ni l’inspecteur Diané ni Alioune Ali de leur démarche.

Arrivés à l’hôtel où résidait Abou Tall, ils furent guidés par l’homme qui les avait abordés plus tôt.
– Par ici, messieurs. Abou Tall vous attend, les invita-t-il.
Arrivés à la suite luxueuse, ils furent reçus par Abou Tall en personne.
– Mes chers Hassan et Ibrahim, comment vous portez-vous ? les salua-t-il avec un semblant de cordialité.
– Les circonstances actuelles ne nous laissent guère de répit, rétorqua Ibrahim d’un ton las.
– Je tiens à vous assurer de mon innocence dans les récents événements, déclara Abou Tall avec une assurance qui se voulait rassurante. Je sais, j’ai commis tant de crimes que le diable lui-même frisonne à mon seul nom. J’ai connu toutes les gloires, toutes les ivresses du pouvoir et de la progression. Les actes les plus infâmes, les exactions les plus odieuses, je les ai commis, le sourire aux lèvres. Oui, j’ai trahi Mohamed Ali, l’accusant à tort et le faisant incarcérer. Je ne cache pas mon aversion pour la famille Ali ; nous sommes ennemis, pas amis. Mais aujourd’hui, quand je vous assure de mon innocence dans les récents événements, vous devez me croire. Hassan, Ibrahim, prêtez attention. C’est moi, Abou Tall, qui vous parle. Par mon honneur, par ma réputation de hors-la-loi, par l’amour que je porte à ma famille, je vous jure que je n’ai aucune part dans ce qui s’est produit.

Ibrahim l’interrompit.
– Pourtant, sur chaque scène de crime, on y trouve votre nom.

- Dans chaque occasion, c’est de votre part ? enchaina Hassan.
Abou Tall ricana :
– Un faux, allons !
– Un faux ?

– Sur ma vie ! répliqua Abou Tall. À présent, partez. Croyez-moi ou doutez de moi, qu’importe ? Un jour, vous aurez preuve de cette basse imposture. Et vous repenserez à tout cela. Vous reverrez ce presque vieux monsieur à un de ces jours. Au revoir Hassan, au revoir Ibrahim. 

L’homme qui avait conduit Hassan et Ibrahim au Novotel leur proposa de les ramener chez eux.

Ils se retrouvèrent une heure plus tard devant le bureau de l’inspecteur Diané, seulement pour apprendre par Mademoiselle Aïcha qu’il n’était pas là. Ils décidèrent alors de se rendre au Bureau du Procureur dans l’espoir de trouver Alioune Ali, mais il s’avéra qu’il était également absent. La situation devenait de plus en plus énigmatique, laissant Hassan et Ibrahim dans l’incertitude et l’urgence de leur enquête.

 

Dans la résidence des Ali, l’inspecteur Diané partageait les dernières avancées de son enquête avec Mohamed Ali. La complexité croissante du cas ne décourageait pas Diané, dont la ténacité avait forgé sa réputation de meilleur policier de Dakar.
– Nous avons une nouvelle piste, annonça-t-il. Hier, nous avons interpellé deux individus. Nous avons pu les interroger. Leur portefeuille pourrait nous fournir davantage d’indices.
– Merci, Monsieur Diané, exprima Mohamed Ali, l’espoir teintant sa voix. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour retrouver mon fils.
– Soyez assuré que je ne ménagerai aucun effort, Monsieur Ali.

Rendez-vous Décisif

Hassan et Ibrahim ne restèrent pas longtemps sans nouvelles de Diané. Un message leur avait été envoyé à leur nouveau domicile secret. Ils devaient assister à une réunion le lendemain matin dans le bureau de l’inspecteur Diané.


Alioune Ali et les deux détectives privés arrivèrent avec une rigoureuse et admirable exactitude à l’heure souhaité par Diané : l’un à dix heures moins une ; le deuxième à neuf heure cinquante-neuf minutes et le troisième une soixantaine de secondes avant dix heures.
Diané ouvrit aussitôt le débat.

– Vous connaissez, messieurs, l’objet de cette réunion ?

- Le portefeuille de Richard ?

Le subtil Alioune Ali, en effet, avait deviné.

– Exact ! Le portefeuille retrouvé sur Richard. Nous y avons trouvé une carte postale du Monument de la Renaissance Africaine.

Les quatre hommes se penchèrent sur le carton, apparemment anodin, que Diané venait de sortir.

– Les chiffre, que vous voyez dessus, ont, à n’en point douter, une signification importante, sinon redoutable. C’est surement un code. Il faut l’interpréter. Que lisez vous ?

- 03 – 20 – 04 – 22 – 15, avoua Hassan, approuvé par les deux autres.

– Et cela signifie ?

– J’y suis, supposa Ibrahim. Les chiffres ressemblent bien à une date si je ne me trompe pas.
– Une date ? demanda Diané. Il y a trop de nombres pour que ça soit bien une date.
– Cela dépend de comment allons-nous les lire, précisa Hassan. C’est une ancienne méthode utilisée pour fixer un rendez-vous codé par écrit.
Ibrahim se lança pour déchiffrer les nombres.
– Nous sommes bien le mercredi aujourd’hui, le troisième jour de la semaine… Et précisément le 20… et le nombre 04 pourrait bien correspondre au mois d’avril.

Diané l’approuva.

– Très bien Ibrahim. Et maintenant 22 – 15 ?
– Ça doit indiquer l’heure, répondit Hassan. C’est-à-dire 22h15.
– Il se passera donc, ce soir, quelque chose au Monument de la Renaissance, confirma Diané. Messieurs, hâtons- nous ! Vous devriez même amener tous vos hommes disponibles, Alioune.

- Et vous ?

– Je m’en occupe également.

– Bon, mais, avoua Hassan, on a aussi quelque chose à vous annoncer. Devinez qui avons-nous rencontré hier ?

– Qui ? demanda Alioune Ali.

- Vous n’allez pas nous croire…

– Perdons pas de temps ! rugit Diané. Parlez !

– Abou Tall ! répliqua Hassan.

- Quoi ?

– Oui, Abou Tall, répéta Ibrahim, avec simplicité. Vous étiez l’un et l’autre absent. Sinon, nous vous aurions prévenus aussitôt hier.

– Qu’est-ce qu’il vous a dit ? demanda Diané.

– Qu’il est étranger de tout ce qu’on lui accuse, répondit Ibrahim.

- Vous pensiez qu’il allait vraiment vous dire que c’était lui ? lança Alioune Ali.

- Assez parler, rugit Diané. Nous avons une chose plus importante à régler.

 

Au pied du Monument de la Renaissance Africaine, un silence tendu s’était installé. Diané, avec l’aide des forces de l’ordre, avait réussi à évacuer les lieux avant l’heure cruciale mentionnée sur la carte postale. Ce n’était pas sans effort, mais la sécurité était une priorité absolue.

Les quatre hommes clés de l’enquête, Diané, Alioune Ali, Hassan et Ibrahim, se tenaient prêts, leurs yeux scrutant chaque mouvement aux alentours. Ils étaient appuyés par une vingtaine d’agents disséminés stratégiquement, prêts à intervenir au moindre signe suspect. L’opération était claire : aucun individu impliqué ne devait échapper à leur vigilance. La tension était palpable, chaque agent sachant que les prochaines minutes pourraient être décisives dans la résolution de l’affaire qui les occupait depuis si longtemps.

– Encore un quart d’heure, annonça Hassan.

Alioune Ali, cependant, perdait son calme.

– Je brule d’impatience !

Diané murmura, d’un air menaçant, foudroyant.
– Je vous jure que si je les tiens, ils sauront de quoi je suis capable.

Alioune Ali sursauta :

- Ecoutez !

Le bruit grandissant attira l’attention de Diané, qui s’empressa de vérifier la source du tumulte. Deux voitures noires stationnées l’une en face de l’autre attirèrent son regard.
Quatre hommes en émergèrent, deux d’entre eux tenant des mallettes dont le contenu restait mystérieux. Diané ne perdit pas de temps et demanda des renforts pour appréhender les suspects.
Malheureusement, les criminels semblaient anticiper les mouvements de la police, agissant avec une assurance qui trahissait une préparation minutieuse. Ils échangèrent rapidement les mallettes et reprirent place dans leurs véhicules, prêts à s’échapper. C’est alors que des coups de feu éclatèrent, créant un chaos instantané.
Dans la confusion, Diané parvint à blesser l’un des assaillants, qui laissa tomber son arme, rapidement soutenu par ses collègues.
Diané assista impuissant à la fuite des deux voitures qui s’éloignaient à toute allure, disparaissant aussi vite qu’elles étaient apparues.

- Merde ! hurla Diané, furieux. Nous avons raté notre coup.

Mais un autre agent, essoufflé, se précipitait vers Diané.

- Nous avons ramassé cette arme monsieur. Je pense qu’elle appartenait à l’un d’entre eux.

– Très bien, lança Diané un peu satisfait. Envoyez-la directement à la police scientifique que l’on puisse l’examiner. Je veux les résultats au plus vite.

– Entendu, monsieur !

 

Hassan et Ibrahim se retrouvèrent dans le bureau de Diané, trente minutes après leur opération. Alioune Ali, en revanche, n’était pas venu.
Diané s’en étonna.

- Il est où Alioune Ali ?

- Il nous a chargé de vous dire qu’il ne sera pas présent, répondit Hassan.

Ibrahim sortit de sa poche le message de Alioune Ali et le tendit à Diané :

« Poursuivant mon enquête personnelle, impossible d’être au rendez-vous ».

– Tant pis. Nous nous passerons de lui.

Dans le laboratoire de la police scientifique, Monsieur Fall, père d’Amina Fall et expert en balistique de longue date, était plongé dans l’analyse de l’arme retrouvée, un indice potentiellement crucial dans l’affaire qui les préoccupait tous. Sa fille, en stage au même endroit, apprenait de son expérience.
Monsieur Fall, avec sa stature imposante et sa barbe bien taillée, était une figure respectée dans son domaine, et son implication personnelle ajoutait une couche supplémentaire de détermination à résoudre cette énigme.
– Où en êtes-vous avec l’arme ? demanda Diané, l’impatience perçant dans sa voix.
– Je viens de terminer son analyse, répondit Monsieur Fall. L’arme appartient à la société Black Diamond, propriété d’Abou Tall. Cependant, les empreintes digitales correspondent à un certain Julien, connu de nos services pour son casier judiciaire bien rempli.
– Où peut-on trouver ce Julien ? interrogea Diané, l’urgence se lisant dans ses yeux.
– Il réside à Pikine Technopole, villa numéro 147, dans la banlieue de Dakar.
– Merci, Monsieur Fall, dit Diané. Hassan, Ibrahim, nous devons agir rapidement.
Diané saisit son téléphone et composa le numéro de sa secrétaire.
– Allo… Mlle Aicha ?… Oui !… Contactez immédiatement le juge pour obtenir un mandat pour une visite à la société Black Diamond. Il nous faut ce mandat sans délai.


Arrivés à Pikine, Diané et ses compagnons n’eurent aucune difficulté à localiser la demeure de Julien. Après avoir frappé à la porte, un homme d’une stature moyenne leur ouvrit, un bandage visible à la cuisse, la marque de leur confrontation précédente au monument.
– Vous êtes Julien, je présume ? interrogea Diané.
– Oui, c’est moi, confirma l’homme. Que me voulez-vous ?
– Nous devons discuter, Julien. Nous sommes de la police, déclara Diané, l’autorité dans la voix.

Julien était visiblement terrifié, conscient qu’il n’avait aucune échappatoire.
– Si tu acceptes de coopérer, nous te laisserons partir sans problème, insista Diané.
– Mes ennuis ont commencé dès que vous avez frappé à ma porte, avoua Julien, l’anxiété perceptible dans sa voix.
– Y a-t-il des gens qui veulent te nuire ? interrogea Diané.
– Les individus pour lesquels je travaille sont très puissants, confia Julien. Ils ont des informateurs partout.
– Donne-moi des noms, Julien, exigea Diané.
– Le maître, personne ne le connaît, monsieur. Mais il y a un intermédiaire qu’on appelle Ténor. C’est lui qui nous transmet les ordres.
– Et comment vous rémunère-t-il ? demanda Hassan. Vous ne travaillez sûrement pas gratuitement.
– Il nous paie toujours en espèces, jamais de virement bancaire.

Diané fouille dans sa poche et en sort une photographie froissée. Elle représente deux figures connues de la pègre : Richard et Junior.
Il la tend vers Julien, dont le regard s’assombrit à la vue des visages familiers.
– Vous les connaissez, n’est-ce pas ? Ces deux-là ? demande Diané d’une voix basse et pressante.
– Assurément, c’est le fameux Ténor, l’homme qui…
Avant que Julien ne puisse finir sa phrase, le silence est brisé par le son sec et définitif d’un coup de feu. Une balle traverse l’air et s’abat sur sa tête, éclaboussant Diané du sang chaud de la victime. Les trois gardiens de la loi, pris au dépourvu, se jettent derrière leur voiture, cherchant un abri contre la pluie de balles.
Les tirs cessent aussi soudainement qu’ils ont commencé. Profitant de ce répit, ils bondissent dans leur véhicule et démarrent en trombe en direction du poste de police.

Pièces Détachées, Destins Liés

Dans l’atmosphère confinée du bureau de Diané, les trois défenseurs de l’ordre étaient là, épuisés et abasourdis par les récents événements. Malgré leur fatigue, ils savaient qu’ils ne pouvaient pas se permettre de fléchir.
– Ainsi, Richard se fait appeler Ténor, constata Diané d’une voix grave.
– Ce qui implique que Richard n’est pas à la tête de l’organisation, puisque Julien a mentionné que l’identité du chef reste inconnue, analysa Hassan, les sourcils froncés.
– Bon sang, quelle complexité cette affaire ! s’exclama Diané, frustration palpable dans sa voix.
C’est alors qu’Alioune Ali fit son entrée, rompant le silence pesant qui s’était installé dans le bureau.
Tous les regards se tournèrent vers lui.
– J’ai obtenu le mandat pour Black Diamond, annonça-t-il, un sourire de triomphe éclairant son visage.
– Et ton enquête personnelle ? Comment cela s’est-il passé ? interrogea Diané, l’intensité de son regard trahissant son anticipation.
– Peu de pistes concrètes, Diané. Mais je ne lâche rien, assura Alioune Ali avec détermination.
– Très bien, acquiesça Diané, un signe de tête approbateur ponctuant ses mots.

Diané avait confié à Mlle Aicha la tâche de convoquer Monsieur Fall pour discuter des résultats de l’autopsie de Julien.
Sans tarder, Monsieur Fall arriva, sa fille Amina à ses côtés.
– Vous m’avez fait appeler, Monsieur Diané ? interrogea Monsieur Fall.
– En effet, Monsieur Fall. Pouvez-vous nous éclairer sur les résultats de l’autopsie de Julien ?
– Vous n’êtes pas venu seul, je vois, fit remarquer Hassan d’un ton neutre.
– C’est exact, c’est ma fille, Amina Fall, qui m’assiste actuellement, répondit Monsieur Fall avec une pointe de fierté.
Lorsque Amina Fall fit son entrée, elle ne passa pas inaperçue. Loin d’être une simple réplique de son père, la jeune stagiaire de la police scientifique possédait un charme indéniable. Dotée d’une intelligence vive, elle arborait une chevelure noire éclatante, des lèvres rouge écarlate aussi tentantes qu’un fruit mûr, un nez délicat et des oreilles fines, témoignant d’une élégance naturelle.
Hassan et Ibrahim n’admirèrent pas moins la poitrine haute, pointue et les jambes nerveuses de la délicieuse, apparemment fragile mais solide enfant.
– Amina ne collabore qu’avec moi, insista-t-il. Tout ce qui est discuté ici reste entre ces murs. C’est une règle fondamentale, non négociable. Vous pouvez lui faire autant confiance qu’à moi.
Diané, le regard scrutateur, posa alors la question qui brûlait les lèvres de tous.
– N’était-elle pas avec Ousmane Ali le jour où il a été enlevé ?
Amina, d’une voix ferme et sans détour, confirma :
– Oui, monsieur. J’étais présente.
Diané, imperturbable, reprit
– Vous ne devriez pas vous impliquer dans cette enquête. Les sentiments personnels n’ont pas leur place ici.
Avec une détermination inébranlable, Amina rétorqua :
– Je suis convaincue de pouvoir contribuer utilement, monsieur, si vous m’accordez cette chance.
Monsieur Fall, ne cachant pas son admiration pour sa fille, ajouta :
– Elle possède une intelligence remarquable. Elle est d’une aide précieuse.
Après un moment de réflexion, Diané acquiesça d’un murmure :
– Très bien, tu peux rester. Qu’avez-vous à nous révéler ?
Amina fut alors le rapport :
– La balle fatale à Julien est un calibre 6,5 provenant d’un entrepôt clandestin situé à la Décharge de Mbeubeuss. Ce lieu est réputé pour sa vente illégale d’armes. Le responsable, Mahmoud Abbas, est un trafiquant notoire originaire de Libye, entouré d’une clientèle qui le protège farouchement. Il sera difficile de le pister.
Diané, visiblement impressionné, exprima sa gratitude :
– Un grand merci, Amina Fall. Pourriez-vous nous fournir l’adresse de cet individu ?
Sans hésiter, Amina griffonna l’adresse sur un morceau de papier et le tendit à Diané.
– Excellent travail, Monsieur Fall, félicita Diané.
Monsieur Fall, modeste, attribua le mérite à sa fille :
– Je vous en prie, monsieur. C’est l’œuvre d’Amina.
– Alors, merci à vous, Amina Fall, conclut Diané.
– C’est tout naturel, répondit-elle avec un sourire discret.
 
 

L’aube venait à peine de percer lorsque les quatre hommes franchirent le seuil de l’établissement de Mahmoud. À première vue, rien ne semblait sortir de l’ordinaire dans ce magasin de pièces détachées automobiles.
– Bonjour, entama Diané d’un ton officiel. Vous êtes bien Mahmoud Abbas ?
– C’est bien moi, répondit l’homme avec une pointe de méfiance. Que puis-je pour vous ?
– Nous sommes de la Police. Nous serions reconnaissants si vous pouviez répondre à quelques-unes de nos questions, intervint Alioune Ali, dont la mine sérieuse ne laissait place à aucune légèreté.
– Très bien, je vous écoute, acquiesça Mahmoud, non sans une certaine appréhension.
Sans plus attendre, Diané présenta la balle qui avait mis fin aux jours de Julien, la tenant fermement entre ses doigts comme une preuve accablante.
– Je présume que cet objet provient de votre stock. Cette balle a ôté la vie à un jeune homme. Après enquête, c’est ici qu’elle nous a menés, droit à votre porte.
La surprise de Mahmoud était palpable, mais son visage ne trahissait aucune crainte.
– Comment pouvez-vous affirmer que la balle provient d’ici ? Vous constatez par vous-même que je ne commercialise que des pièces détachées.
Alioune Ali, imperturbable, répliqua avec fermeté :
– Épargnez-nous votre comédie, Mahmoud. Nous avons des preuves que la balle vient de toi. Nous sommes pressés, alors coopérez et dites-nous ce que nous devons savoir.
Mahmoud, les mains levées en un geste d’innocence, insista :
– Je vous assure que je dis la vérité, monsieur. Je le jure sur ce que j’ai de plus cher.
Diané, d’un signe de tête discret, donna l’ordre à ses détectives de fouiller le magasin.
Ils s’exécutèrent avec diligence et, après une recherche minutieuse, découvrirent un passage secret menant à une pièce dissimulée.
– Et cela, qu’est-ce donc ? interrogea Diané, un sourire de victoire illuminant son visage.
Mahmoud, pris au dépourvu mais tentant de garder contenance, répondit :
– Ce n’est pas ce que vous pensez, monsieur. C’est simplement l’endroit où je stocke mes marchandises.
Les murs de la pièce secrète étaient tapissés d’un arsenal clandestin, révélant la véritable nature de l’opération de Mahmoud. Face à cette découverte, les hommes ne cachèrent pas leur urgence.
– Avez-vous des explications à nous fournir maintenant ? interrogea Diané, son regard fixé sur Mahmoud.
– Il y a eu un homme, la semaine dernière, qui est venu pour acheter des armes. Il était avec un complice qui l’appelait Ténor, révéla Mahmoud, semblant peser chaque mot.
– Ont-ils mentionné la raison de cet achat ? insista Diané.
– Non, ils n’ont rien partagé de tel. Je vous assure que je dis la vérité, répondit Mahmoud, les mains légèrement tremblantes.
– Comment pouvons-nous retrouver ces hommes ? demanda Diané, la patience s’amenuisant.
– Ils m’ont laissé une adresse pour une livraison d’armes prévue la semaine prochaine, confia Mahmoud en fouillant dans son carnet d’adresses.
Après avoir remis l’information à Diané, Mahmoud fut averti avec une sévérité glaciale.
– Nous vous laissons libre pour le moment, afin que ces hommes ne se doutent de rien. Ils ne doivent pas savoir que nous sommes venus. Mais si vous tentez de les prévenir, sachez que je vous retrouverai, et le sort que je vous réserve sera bien pire que ce que vous pouvez imaginer. Vous serez sous surveillance judiciaire en attendant de décider de votre sort. Avons-nous été clairs ?
– Parfaitement, monsieur, acquiesça Mahmoud, conscient de la gravité de la menace.
 
 

La façade imposante de Black Diamond se dressait comme un monolithe au cœur de la ville. Diané et son équipe, après avoir laissé Mahmoud derrière eux, s’engagèrent dans le bâtiment avec une détermination palpable.
– Bonjour messieurs, je suis Rachid Mara, le Directeur Général de Black Diamond. Mon patron, Abou Tall, est actuellement en déplacement, mais il m’a informé de votre venue, accueillit-il avec une poignée de main ferme.
– Enchanté, je suis Inspecteur Diané, de la Police Nationale. Je vous présente mes collègues : Hassan, Ibrahim et Alioune Ali.
– Tiens donc, un Ali parmi nous ! s’exclama Rachid, un sourcil haussé par la surprise.
– Il est ici en tant qu’enquêteur, pas pour régler des comptes personnels, clarifia Diané, coupant court à toute méprise.
– Je vois. Suivez-moi, nous serons plus à l’aise pour discuter dans mon bureau, proposa Rachid, les invitant d’un geste de la main.

Il les mena à travers les couloirs feutrés jusqu’à son bureau, un espace cossu qui reflétait le prestige de Black Diamond. Invitant ses visiteurs à prendre place, il s’installa derrière son bureau, l’expression empreinte de professionnalisme.
– Bien, que puis-je faire pour vous aider ? demanda-t-il, les mains jointes.
Diané, sans détour, aborda le sujet.
– Nous avons eu un incident hier au Monument de la Renaissance Africaine. Au cours d’une confrontation, nous avons récupéré une arme enregistrée au nom de votre société.
Rachid, visiblement surpris, ne put cacher son étonnement.
– Vraiment ?
– Oui, et l’individu en possession de cette arme se nommait Julien, poursuivit Diané avec assurance.
– Il n’existe aucun Julien parmi nos employés, monsieur, rétorqua Rachid, son front se plissant légèrement.
– Alors, comment expliquez-vous cette situation ? insista Diané, le regard fixe.
Rachid, pris de court, chercha ses mots.
– Je… je ne sais pas vraiment. Laissez-moi vérifier avec nos employés si quelqu’un a égaré son arme. Seuls nos agents de sécurité sont autorisés à en porter.
Rachid fit appeler tous les agents de sécurité dans son bureau. Le regard scrutateur, il lança la question qui résonna comme un coup de tonnerre.
– Lequel d’entre vous a égaré son arme de service ?
Les agents échangèrent des regards nerveux, mais aucun ne pipa mot.
Diané, impatient, prit la parole :
– Messieurs, il ne s’agit là que d’une simple enquête. Nul besoin de craindre des répercussions.
Un jeune homme s’avança alors, l’air contrit.
– C’est moi, Monsieur Rachid. J’ai perdu mon arme, avoua-t-il.
– Et comment vous nommez-vous ? demanda Rachid, son intonation trahissant une pointe de surprise.
– Hakim Diop, monsieur, répondit-il d’une voix à peine audible.
Diané s’approcha, l’expression grave.
– Racontez-nous comment vous avez perdu votre arme, Hakim.
– C’était il y a deux jours, expliqua Hakim avec une pointe d’embarras. J’étais de garde cette nuit-là. Vers une heure du matin, alors que mes collègues étaient à l’intérieur, deux individus m’ont attaqué par surprise. Ils m’ont maîtrisé et ont pris mon arme avant de disparaître dans la nuit. Comme il n’y avait pas eu de cambriolage et que je n’avais pas été blessé, j’ai pensé qu’il n’était pas nécessaire d’alerter les autres ou de faire un rapport.
Diané, les sourcils froncés, réfléchit un instant avant de poser sa prochaine question.
– Avez-vous pu identifier l’un de ces hommes ou quelque chose qui pourrait nous aider à les retrouver ?
Hakim secoua la tête, l’air contrit.
– Non, monsieur. Il faisait sombre, et ils étaient masqués. Mais j’ai entendu l’un d’eux appeler son complice Ténor. C’est tout ce que je sais.
Diané hocha la tête, remerciant Hakim pour son témoignage.
– C’est une information précieuse, Hakim. Merci de votre coopération.
 
À la sortie, loin des murs confinés de Black Diamond, Diané partagea ses doutes avec ses compagnons.
– Pourquoi des criminels viendraient-ils dérober des armes ici alors qu’ils en possèdent déjà en abondance ? s’interrogea-t-il.
Hassan, le front plissé par la réflexion, proposa une théorie.
– Peut-être cherchaient-ils à impliquer Abou Tall dans leurs méfaits.
Ibrahim, acquiesçant, ajouta :
– Ils ont peut-être intentionnellement abandonné l’arme sur les lieux pour orienter les soupçons vers Abou Tall.
Diané, perplexe, posa une question cruciale :
– Mais alors, comment se fait-il que nous ayons trouvé l’empreinte de Julien sur l’arme ?
Hassan émit l’hypothèse suivante :
– Il est possible que leur plan ait échoué et que Julien ait manipulé l’arme par mégarde, sans gants.
Alioune Ali, avec une assurance inébranlable, suggéra une autre possibilité.
– Ou bien c’est Abou Tall, lui-même, qui tire les ficelles de toute cette affaire.
Diané, conscient de la complexité de la situation, conclut avec prudence :
– Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas encore affirmer avec certitude que c’est Abou Tall. Poursuivons nos investigations.

Cendres de Conspiration

Richard, toujours maussade, l’œil furibond derrière son monocle, protestait une fois de plus, de sa voix caverneuse, menaçante, contre l’incapacité de ses acolytes.
À vrai dire, c’était là, un point qu’il partageait avec son principal adversaire : Diané. Ils ne semblaient ni l’un ni l’autre, jamais satisfaits de leur personnel. Chacun d’eux disposait, en outre, d’un souffre-douleur. Pour Diané, c’était l’inoffensive, pitoyable Mlle Aicha ; et pour Richard, le rude, solide Junior non moins habitué aux éclats de son patron.
– Nos hommes se sont conduits comme des enfants au monument.
– Ils ont été dépassés, expliqua Junior.
– Je n’admets pas qu’on nous dépasse ! On n’a pas le droit de rater ! Et maintenant ils savent qui nous procure des armes à cause de cet imbécile de Julien.
Quoi que Diané et ses hommes fassent, Richard en est toujours informé. Il a toujours une longueur d’avance sur eux.
Junior en convenait.
– D’autant plus qu’ils vont tenter de nous avoir avec Mahmoud. Il faut le détruire !
– Pour ça, décida Richard, une seule solution.
– Laquelle ?
– Faire exploser tout le magasin de Mahmoud.
– Une très bonne idée, Ténor !
Quelques heures plus tard, on annonçait aux médias un incendie aux alentours de la Décharge de Mbeubeuss.

 

Diané, Hassan et Ibrahim, arrivés aussi vite que possible, sur les lieux de l’incendie, ne trouvèrent, au magasin, que des cendres et des ruines.
– Des blessés ? demanda Diané aux sapeurs-pompiers.
– Oui, répondit l’un d’eux. Exactement onze blessés et un mort. On a identifié le corps et il s’agit bien du propriétaire du magasin, Mahmoud Abbas.
– Merde ! hurla Diané de toutes ses forces.
Un pompier s’approcha de lui.
– On vient de trouver cette plaque d’acier, dans les ruines. On m’a dit de vous la remettre.
Diané s’en empara, non sans rugir, car il s’était brulé.
Le pompier le prévint trop tard :
– Attention, c’est chaud…
Mais un autre détail motivait la colère de l’inspecteur. Cette plaque était, en quelque sorte, une plaque d’identité. Les quatre hommes lurent : De la part de votre cher ami, Abou Tall.
– Ah ! Celui-là ! Je le tuerai ! promit Hassan.
 

 
Richard, à cet instant même, branchait son téléphone, ancien modèle et difficile à tracer, un minuscule gadget ultra perfectionné, qui lui permettait d’entrer en communication avec le chef de son organisation.
– Sors, Junior, ordonna-t-il.
Cet ordre barbare humiliait toujours son brutal mais sensible compagnon, qui se jugeait fort mal récompensé de son indéfectible fidélité. Chaque fois, il insistait pour demeurer mais, calmement, Richard répliquait :
– Personne ne doit connaitre le chef.
– Abou Tall ? On le connait déjà, bougonna Junior.
– Veux-tu sortir, s’il te plaît  ?
Junior, accablé par cette fatalité, baissa la tête, mais haussa les épaules et obéit.
Richard reçût alors, de très loin, d’une voix sans timbre et communiquée par son téléphone, cette consigne toute simple :
« Prenez Ousmane Ali par le procédé habituel. Mettez-le dans une boite avec de l’oxygène et expédiez-le en à Saint-Louis ».
Richard rappela Junior.
Le loyal serviteur jaillit aussitôt.
– Téléphone à Ousseynou. Dis-lui de préparer un fourgon et de mettre Ousmane en boite avec de l’oxygène. Nous partons pour Saint-Louis.
 

 
Diané, Hassan, Ibrahim et Alioune Ali décidèrent d’aller à l’adresse que leur avait donné Mahmoud. La déception était palpable dans l’air alors que Diané et son équipe inspectaient la demeure abandonnée. Les indices étaient maigres, les suspects avaient disparu, laissant derrière eux une maison en désordre, comme précipitamment quittée.
– Nous avons encore perdu leur trace, confessa Diané, l’ombre de la frustration voilant son visage.
– Ils nous devancent constamment, constata Alioune Ali, son ton trahissant une pointe de frustration malgré lui pour l’ingéniosité de leurs adversaires.

 

Dans la chaleur étouffante de Dakar, la famille Ali était réunie dans le salon, une pièce autrefois remplie de rires et de vie, maintenant imprégnée d’une atmosphère de souci et d’attente.
Chaque membre semblait porter le poids de l’absence d’Ousmane, leurs visages marqués par l’angoisse de l’inconnu.
Monsieur Diané, conscient de son devoir envers cette famille éplorée, leur fournissait régulièrement des mises à jour sur l’enquête, bien que les nouvelles soient souvent sombres. Les crimes commis par les malfaiteurs étaient d’une telle brutalité qu’ils érodaient lentement l’espoir de revoir Ousmane sain et sauf.
– Mon cœur se serre à chaque pensée de lui, confia Thierno Ali, la voix étranglée par l’émotion.
Aminata Ali, leva les yeux au ciel, cherchant peut-être du réconfort dans sa foi.
– Seul Dieu sait s’il respire encore, murmura-t-elle, une larme perçant le voile de son stoïcisme.
Alioune Ali, pilier de force dans la famille, se leva, ses mots tranchant l’air avec conviction.
– Cessez de vous tourmenter avec ces questions. Je suis convaincu qu’il est vivant. Ousmane a toujours été un garçon plein de courage.
Leur conversation était un mélange de douleur et de prières, un reflet de la lutte intérieure entre le désespoir et la foi en des jours meilleurs.

 

Oui, Ousmane était en vie. Mais pour combien de temps encore ? l’ignoble Richard lui infligeait l’infernal supplice de la goutte d’eau. Ousmane Ali s’était réveillé, déshabillé, grelottant, glacé, ficelé sur une chaise de cuisine, dans une salle de douche.
– Oh arrêtez ! rageait-il.
– Du calme, du calme, mon cher Ousmane, susurrait Richard, avec une sorte de tendresse.
– Du calme ? Vous êtes en train de me tuer.
– Écrivez donc simplement ce que nous vous demandons.
– Je ne peux pas le faire.
– Alors nous, nous ne pouvons pas nous arrêter non plus.
– Vous êtes des monstres, détachez-moi ! s’écria Ousmane, les poignets rougis par les liens qui le retenaient.
– Seulement après que vous ayez rédigé la lettre, bien sûr. Ensuite, nous vous libérerons, répondit Richard d’un ton faussement conciliant.
– Jamais ! Je refuse de participer à votre mascarade, cracha Ousmane avec défi.
– Dois-je en finir avec lui, patron ? demanda Junior, l’arme prête à l’emploi.
– Idiot, bien sûr que non. Il nous est encore utile, rétorqua Richard, agacé.
Richard sortit alors un assortiment d’instruments de tortures, les faisant cliqueter menaçant.
– Toujours réticent à écrire cette lettre ? interrogea-t-il, un sourire cruel se dessinant sur son visage.
Ousmane, la peur lui nouant la gorge, capitula.
– Attendez… s’il vous plaît, ne me faites pas de mal.
– Alors prenez ce stylo et écrivez. Nous en resterons là, conclut Richard.
Résigné, Ousmane acquiesça.
– D’accord… d’accord.
– Parfait. Je vais dicter, annonça Richard. Commençons.
« Père, je suis toujours en vie et retenu par les hommes de Abou Tall…»
Un sourire triomphant écartait les lèvres minces du sinistre personnage qu’est Richard.

 

Dans le bureau de l’inspecteur de police, la lettre récemment arrivée était l’objet de toutes les attentions. Diané, tenant le document avec précaution, exprima son intuition.
– Il est évident qu’Ousmane a été forcé d’écrire ces mots, affirma-t-il d’une voix assurée.
Hassan, sans hésiter, appuya cette déduction.
– C’est une mise en scène habilement orchestrée. Leur objectif est de nous faire accuser Abou Tall.
Alioune Ali, cependant, laissa transparaître une once de doute.
– Comment pouvons-nous en être sûr ?
– J’en suis convaincu, rétorqua Ibrahim, confiant dans son jugement.
Les deux détectives privés, forts de leur connaissance approfondie d’Abou Tall et de ses méthodes, étaient catégoriques : ce n’était pas son style. Pour eux, la vérité était ailleurs, et ils étaient déterminés à la dévoiler.
– Écoutez mes amis, repris Diané. J’ai reçu, moi-même, une lettre, non moins intéressante. Je vous la lis :
« Saint-Louis, 02 janvier. Il se passe bien des choses, à Saint-Louis, Monsieur Diané. Celui qui voudrait en savoir plus long sur l’affaire de l’enlèvement pourrait très bien y venir faire un tour. Il demanderait Daawood Mohamed au Cafétéria La Paix. Il aura tous les renseignements qu’il voudra ».
– Mes amis, lança Alioune Ali, cette lettre pourrait être la clé de l’énigme qui nous échappe, dit-il. Elle suggère que quelqu’un à Saint-Louis détient des informations cruciales sur l’enlèvement.
Hassan, toujours prêt à passer à l’action, se leva d’un bond.
– Il est temps de prendre les choses en main. Allons là-bas, proposa-t-il avec détermination.
Ibrahim, le regard empli de résolution, acquiesça.
– C’est une piste que nous ne pouvons ignorer. Préparons-nous pour le voyage, dit-il.
Diané, conscient des dangers potentiels de cette mission, conclut avec gravité :
– Entendu, mais n’oubliez pas la prudence. Là-bas, vous serez sur un terrain inconnu. Restez vigilants. Alioune et moi resterons ici pour continuer l’enquête.

Desseins sur la Côte Nord-Ouest

S’il est, sur la carte du Sénégal, une ville dont le nom fait rêver les touristes de haute et de basse noblesse, c’est Bien Saint-Louis. Une région aux architecture extraordinaire, des villes superbes, un paradis terrestre, avec les plus belles femmes du pays. Voilà bien Saint-Louis, une belle ville, idéalement innocent, lumineux, ensoleillé où débarquèrent, un matin de janvier, nos amis Hassan et Ibrahim. Diané, qui ne négligeait aucun détail, leur avait donné toutes les indications nécessaires pour trouver Daawood Mohamed.
Ils arrivèrent à le trouver au Cafétéria La Paix.
– Bonjour messieurs, se présenta Daawood Mohamed.
Hassan lui tendit la main.
– Nous vous attendions. Je suis Hassan.
– Et moi Ibrahim. Nous venons vous voir de la part de Monsieur Diané.
– Quel joie de vous recevoir ! Je vous connais, messieurs, de réputation. Je sais la part active que vous prenez à l’enquête sur le mystère enlèvement d’Ousmane Ali. Une affaire qui me touche au plus haut point.
Ibrahim le trouvait soudain trop cordial.
– Est-ce par hasard ?
– Non ! Mais croyez-moi, il se pourrait que j’en sache long sur cette affaire. J’ai longuement traqué Richard, je sais comment il opère. Et Mohamed Ali, cet ancien camarade, a joué un rôle non négligeable dans mon parcours. Je voudrais lui rendre la pareille.
– On comprends, mon cher Daawood, lança Ibrahim. On admire votre geste.
– Et on accepte votre aide, affirma Hassan.
– Dans ce cas, ne perdons pas plus de temps, reprit Daawood.
– Alors, par où commencer ? Comment faire ? demanda Hassan.
– Rien ! Ouvrir l’œil, laisser venir. Je ne serais pas surpris que l’un des grands hôtels de Saint-Louis voit débarquer certains de nos gaillards.
 
Daawood était décidément bien informé.  Trois voyageurs s’apprêtaient, en effet, à prendre possession d’un luxueuse suite ayant une vue paradisiaque sur l’Île de Ndar.
Le premier des trois portait un monocle et le troisième poussait le second qui avait l’air très fatigué et épuisé.
Un employé de la réception les accueillait, le sourire aux lèvres.
– C’est pour la nuit ?
– Pour un petit moment, répondit Richard.


 
À Dakar, l’inspecteur de police, dans son luxueux bureau, cherchait quelques motifs de satisfaction.
En désespoir de cause, il appela son souffre-douleur.
– Mademoiselle Aicha !
La jeune demoiselle, toujours craintive, et néanmoins empressée, se précipita, interrogative.
– Hassan et Ibrahim n’ont pas encore appelé ?
– Non, monsieur.
– Pas de nouvelles d’Ousmane Ali ?
– Non, monsieur.
– Alioune Ali n’a pas envoyé de nouvelles informations ?
– Non, monsieur.
Mlle Aicha ne répondait que par la négative.
– En sommes, tout va bien !
– Non, monsieur.

 

Dans la chambre confinée où Ousmane Ali était retenu, un jeu du chat et de la souris se jouait.
Ousmane, affamé et désespéré, saisit l’occasion pour tenter de communiquer avec l’extérieur.
– Junior, je t’en prie, j’ai une faim de loup, implora-t-il.
– Désolé, nous n’avons rien à manger ici, répondit Junior, indifférent à sa détresse.
– Il doit bien y avoir quelque chose. Peux-tu demander aux serveurs ? insista Ousmane, espérant détourner l’attention de son geôlier.
– Bon, je vais voir ce que je peux faire, concéda Junior, se levant à contrecœur.
Junior quitta la pièce, laissant derrière lui le téléphone oublié. Ousmane, les yeux brillants d’un mélange de ruse, se précipita vers l’appareil. C’était sa chance, peut-être la seule, de reconnecter avec sa famille.
Dans un élan de discrétion et d’urgence, Ousmane réussit à transmettre un message crucial à Amina :
« Écoute Amina, c’est moi, Ousmane… Tout va bien, ne t’inquiète pas… J’ai des informations importantes, mais peu de temps… Sois attentive… Je suis retenu à Saint-Louis, Hôtel Étoile du Sud, appartement numéro 101. »
 


Dans l’effervescence de Dakar, la nouvelle de la localisation d’Ousmane avait insufflé un vent d’espoir. Amina, son père et Diané, qui venait d’arriver, étaient suspendus à chaque mot transmis par Ousmane.
Monsieur Fall, fut impressionné par l’ingéniosité du jeune homme.
– Ce garçon a vraiment de la ressource, s’exclama-t-il.
Diané, conscient de l’urgence de la situation, prit immédiatement les choses en main.
– Il n’y a pas une minute à perdre. Je dois informer mon équipe.
Il contacta sans délai Hassan et Ibrahim pour leur communiquer la position d’Ousmane.
Après leur avoir transmis toutes les informations nécessaires, il s’enquit de l’aide apportée par le mystérieux Daawood. Bien que ce dernier se soit contenté de formules de politesse, promettant des informations futures, Diané sentait que chaque indice pouvait être crucial.
Remerciant ses hommes pour leur dévouement, Diané raccrocha, la tête déjà tournée vers les prochaines étapes de leur mission de sauvetage.

 

Dans la trame complexe de leur mission clandestine, les trois hommes se trouvaient face à un défi de taille : infiltrer l’Hôtel Étoile du Sud incognito.
Hassan, conscient de l’importance de leur discrétion, interrogea sur la marche à suivre.
– Comment allons-nous procéder ? demanda-t-il, l’urgence se lisant dans ses yeux.
Daawood, toujours un pas en avant, avait déjà élaboré un plan ingénieux.
– Simple, mes amis, répondit-il avec assurance. Nous allons nous faire passer pour des électriciens. J’ai tout ce qu’il faut pour nous déguiser : fausses barbes, vêtements de travail et tout le matériel d’électricien nécessaire.
Leur stratégie était définie. Sous couvert d’une intervention technique, ils s’apprêtaient à pénétrer dans l’antre du danger, armés de leur ruse et de leur détermination à sauver Ousmane.

Voilà pourquoi, une heure plus tard, trois hommes, arrivés par l’escalier de service, frappaient à la porte de l’appartement 101 de l’hôtel.
– Qu’est-ce que c’est ? grogna Junior de l’intérieur.
– Service de maintenance électrique de l’hôtel, répondit Daawood d’une voix assurée.
– Quoi ? s’interrogea Junior, confus.
– Nous sommes ici pour résoudre un problème électrique signalé par la direction de l’hôtel, continua Daawood.
– Mais il n’y a aucun souci électrique chez nous, rétorqua Junior, méfiant.
– La procédure exige que nous vérifiions toutes les installations. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous laisser entrer pour effectuer notre travail ? insista Daawood, sa voix empreinte d’une autorité feinte.
La porte s’ouvrit sur Junior, qui, méfiant mais néanmoins dupé, laissa entrer les trois hommes déguisés. Avec une assurance feinte, ils déployèrent leur matériel et se mirent au travail, simulant des réparations.

Dans le même temps, Hassan et Ibrahim se faufilèrent discrètement vers Ousmane.
– Nous sommes Hassan et Ibrahim, mandatés par la Police Nationale, murmura Hassan. Nous sommes là pour vous faire sortir de cette situation.
– Restez calme et faites comme si de rien n’était, conseilla Ibrahim d’une voix basse.
Cependant, leur plan prit un tournant inattendu lorsque Richard fit son retour inopiné dans la chambre.
Indifférent aux prétendues réparations électriques, il ne tarda pas à s’apercevoir de la supercherie. D’un geste brusque, il chassa les supposé électriciens de l’appartement et poussa Ousmane vers les toilettes, loin des regards indiscrets.
La tentative d’évasion d’Ousmane Ali par ses alliés avait échoué. Ils choisirent de battre en retraite discrètement, tout en espérant ne pas avoir éveillé les soupçons.
Mais Richard était déjà sur ses gardes.
– Pensez-vous vraiment que je n’ai pas remarqué cette visite suspecte ? sermonna Richard, fixant Ousmane avec intensité.
– Dois-je l’éliminer, patron ? demanda Junior, cherchant à racheter son manque de vigilance.
– La patience est une vertu, Junior. Nous aurons tout le temps pour cela. Pour l’instant, allons dîner, répondit Richard avec un calme menaçant.
– Parfait, j’ai une faim de loup, admit Ousmane, tentant de dissimuler sa déception derrière une façade d’insouciance.
– Je parlais de nous, Junior et moi. Quant à vous, Ousmane, à dater de ce soir, je vous mets au régime, déclara Richard, un sourire cruel se dessinant sur ses lèvres.

La Course Poursuite

À Dakar, l’anxieuse Amina, son père, Alioune Ali et Diané attendaient, ou plutôt espéraient un message. Ils n’osaient imaginer le pire.
Diané, malgré la situation tendue, tentait de maintenir un semblant de calme.
– Ne vous inquiétez pas, Amina. Ousmane est un garçon intelligent et résilient. Il est entre de bonnes mains avec Hassan et Ibrahim, assura Diané.
Ce dernier venait de recevoir des nouvelles de Saint-Louis. L’opération d’extraction avait rencontré des obstacles, mais loin de se décourager, ses hommes étaient déjà en train de mijoter un nouveau plan pour libérer Ousmane.
Leur détermination était inébranlable, et ils étaient prêts à tenter le tout pour le tout.
– Ils ne vont pas abandonner. Ils sont déjà en train de préparer une autre tentative. Nous devons garder espoir, ajouta-t-il, essayant de transmettre un peu de son assurance à la famille inquiète.


Hassan et Ibrahim, confrontés à un nouveau défi, se trouvaient perplexe devant l’entrée de l’hôtel. Comment y pénétrer sans attirer l’attention ? Après mûre réflexion, ils optèrent pour la location d’un appartement. Grâce à l’intervention discrète de Daawood, l’appartement 102 leur fut attribué, juste à côté de la prison de fortune d’Ousmane. Plus besoin de subterfuges ni de costumes d’électriciens pour cette opération ; la patience serait leur meilleur atout. Ils attendraient que Richard ou Junior s’éloignent pour subtiliser la clé et libérer leur compagnon. La nuit, complice de leur dessein, leur offrirait l’obscurité nécessaire pour se soustraire à la vigilance omniprésente de Richard. La libération d’Ousmane était à portée de main, rien ne semblait plus pouvoir entraver leur plan.

Quelques heures auparavant, un télégraphiste avait apporté un message pour Richard. Junior prit la lettre et l’amena à son maitre.
- Pour toi.
Richard eut peur de voir le message :
– Oh mon Dieu, c’est le grand maitre !
– Je sors ? demanda Junior, discret.

- Oui, laisse-moi seul.
Son dévoué serviteur n’essaya pas de comprendre et sortit de la chambre.

Richard ouvrit donc le message de son chef :

« Stupide Richard ! À des milliers de kilomètres, je suis mieux informé que toi de tout ce qui se passe sous ton nez de vieil âne. Ousmane n’est pas aussi isolé que tu le pensais ; il a envoyé un message aux hommes de Diané qui sont maintenant en route pour le sauver. Il est temps de quitter Saint-Louis. Un fourgon passera vous récupérer dans une heure. Embarquez sans délai pour Saly. Et tache de surveiller tes arrière ».

Richard savait, en quelque sorte, qu’Ousmane était à l’origine de cette visite des « Électriciens ». Il se précipita, furieux, vers le jeune homme.

– Vous me prenez vraiment pour un imbécile ? Vous croyez que je ne sais pas ce que vous avez fait ? Et toi, stupide Junior ? Tu n’as pas vu ce qui se passait sous ton nez ?

- Quoi ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ? demanda Junior.

- Il a réussi à communiquer avec l’extérieur je ne sais par quel moyen. Notre position est découverte.

- Comment ? demanda Junior surpris. Je le tue ?

- Non, nous ne pouvons malheureusement pas, intervint Richard impuissant. Prépare les bagages, nous partons.

En une phrase brève, il expliqua leur prochaine destination.


Ousmane, de nouveau seul, chercha un moyen d’informer les hommes de Diané. Son regard s’arrêta sur un bloc-notes égaré sur la table. Ousmane eut alors l’ingéniosité d’y graver des informations concernant leur prochaine destination. Il devait compter, pour cela, sur la subtilité de Hassan et Ibrahim. Là, résidait son seul espoir.

Vint enfin l’instant du départ, Junior réapparut, plus menaçant que jamais.


Quelques heures plus tard, Hassan, Ibrahim et Daawood débarquèrent dans l’hôtel. Ils trouvèrent que Richard, Junior et Ousmane étaient déjà parties vers une destination inconnue. L’appartement 101 se montrait complètement vide. Les trois gaillards parvinrent quand même, au bout de quelques minutes, à dominer leur humiliation.

– Il faut que l’on sache où ils sont partis, avoua Hassan.

– Comment est-ce qu’on pourrait le savoir ? demanda Daawood.

– Ousmane aurait eu peut-être l’idée de nous laisser une indication.

Ils cherchèrent longtemps les indices espérés. Presque une trentaine de minutes. Ils ne trouvèrent rien.
Au point de vouloir abandonné la recherche d’indices, leurs regards fut attirés par la table étroite, sous laquelle, seule, restait une petite feuille pliée.

- Je pense bien que ce soit notre indice, avoua Hassan.

Ce dernier prit la feuille et la déplie.
Ils lurent : « Destination Paris ».

– Appelez vite une voiture, ordonna Hassan à Daawood. Nous devons faire vite.

 

Après un trajet épuisant, les trois hommes de Diané, éreintés mais soulagés, apprenaient qu’ils allaient enfin arriver à destination.
À peine débarqués, ils se lancèrent dans une quête fébrile d’informations sur leurs adversaires.
– Nous voilà à Saly, certes… mais comment dénicher Richard parmi ces milliers de demeures ? s’interrogeaient Hassan et Ibrahim, accablés par le pessimisme, la fatigue et les douleurs du long périple.
Cependant, Daawood, lui, avait tissé un vaste réseau d’amis dans la capitale.
– Confiance, mes amis, confiance ! les exhortait-il.
– Facile à dire, rétorqua Ibrahim, l’âme aussi lourde que celle de Hassan, tous deux à la limite des larmes.

Daawood, avec l’aide précieuse de son réseau, se mit en quête des moindres traces de Richard.
La police locale, avertit par Diané qui les avait transmis la photo des deux suspects, s’engagea à les assister.

Après avoir scruté le système de surveillance et interrogé les agents pointés à l’entrée de la ville, l’officier de police chargé de les aider découvrit que Richard avait foulé le sol mbourois il y a de cela deux heures. Restait maintenant à savoir où ils résidaient actuellement.
Après un temps qui parut tellement long, ils furent surpris de recevoir une alerte signalant la localisation du fourgon des deux hommes non loin de l’Odyssée Africaine.
Armés de cette information cruciale, les hommes de Diané exprimèrent leur gratitude envers l’officier de police avant de s’engager sur la route qui mène à cette adresse, espérant y trouver les deux suspects.
– Nos adversaires ne savent pas à qui ils ont affaire ! s’écria Daawood, un sourire confiant se dessinant sur ses lèvres.
Tous étaient de nouveau ragaillardis, stimulés, après avoir eu les informations sur Richard.


Devant l’imposante demeure, les trois compères hésitèrent un instant avant de frapper à la porte. Seul le gardien était présent, Richard et son acolyte s’étant absentés pour quelques emplettes. Ils avaient instruit le gardien de surveiller étroitement le captif et de n’autoriser l’entrée à personne sans leur consentement. Quant à Ousmane, enfermé dans une chambre dépouillée de tout moyen de communication – pas de téléphone, pas de télévision, et surtout, pas de fenêtre – il semblait condamné au silence. Mais c’était sans compter sur la détermination de ses amis, prêts à braver tous les obstacles pour le libérer.
Un homme imposant apparut soudainement à la porte.
– Qu’est-ce que vous voulez ? demanda-t-il d’un ton sec.
Daawood, sans se démonter, lui répondit avec assurance.
– Bonjour, nous sommes à la recherche d’un appartement à louer pour quelques jours, mes amis et moi. On nous a informés qu’il y avait des disponibilités ici.
– Je crains que vous ne soyez mal informés.
Mais Daawood n’était pas homme à se laisser rebuter si facilement.
– Vraiment ? On nous avait assuré du contraire.
– Trois locataires viennent tout juste de signer. Vous arrivez un peu tard.
– Trois personnes ? Vous les connaissez ?
– Des inconnus.
– Ils sont présents ?
– Ils viennent de sortir. Je vous conseille de partir avant leur retour, sous peine de complications.

Les trois amis, non sans mauvaise conscience, quittèrent les lieux pour aller dans leur résidence, située à quelques mètres de celle de Richard.


Le soir, les trois détectives décidèrent d’aller prendre leur diner dans le restaurant Jomo Beach, non loin de leur résidence. Ils auraient dû se douter que Saly abritait de nombreux complices de Richard.
Heureux d’avoir trouvé la maison de leurs suspects, ils se détendaient et parlaient trop fort. Ils furent, en cours de route, entendus, compris, devinés par l’un des complices. Et l’homme, bientôt, se précipita chez Richard.

Quelques instants plus tard, le gardien informait ce dernier d’un visiteur.

– Un homme veut vous parler. Il a sa carte.

- Qu’il entre !

L’individu apparut, souriant, respectueux, plein de zèle.

- Bonsoir, maitre.

– Bonsoir ! Alors ?

- Maitre, ils sont là… vos trois ennemis.

– Ils sont où ?

- Je les ai vu entrer dans un restaurant. Si vous voulez, je peux les effacer. C’est chose facile pour moi.

– Bien, faites ce qu’il y a à faire !

Richard voyait enfin son plus gros problème sur le point d’être réglé. Ce plan, s’il réussissait, lui garantirait une tranquillité tant désirée. Plus d’ombres à ses trousses, plus de regards inquisiteurs. Lui et ses hommes pourraient respirer, libres de toute menace.

Le jeune homme, quant à lui, agissait avec une efficacité glaçante. Il avait repéré la cachette des hommes de Diané et, dans l’ombre, y avait placé un engin explosif d’une puissance redoutable. Une heure s’était écoulée, et personne n’avait remarqué sa présence furtive.
Il observait la demeure, patient, jusqu’à ce que trois silhouettes s’y engouffrent. Il laissa quelques minutes s’écouler, un laps de temps suspendu, avant de déclencher l’explosion programmée.

Les Ombres de l’Infiltration

L’explosion de la résidence des hommes de Diané suffisait pour consoler Richard. Il voulut quand même s’offrir un plaisir supplémentaire : le dire à Ousmane.
– Alors, Ousmane, que pensez-vous de Hassan et Ibrahim ? demanda-t-il avec un sourire narquois.
– Pourquoi me demandez-vous cela ? rétorqua Ousmane, méfiant.
– Oh, juste comme ça.
– Je n’ai rien à vous dire.
– Vraiment ? Étiez-vous au courant qu’ils étaient à Saly ?
– Peut-être.
– Les avez-vous vus ?
– Comment aurais-je pu ?
– Je sais que vous êtes malin, et je suppose que vous les appréciez.
– Pourquoi parlez-vous d’eux au passé ?
– Parce que, mon cher Ousmane, vos amis sont mort.
– C’est faux, vous mentez !
– Vous croyez ? Moi, mentir ? Jamais.

Richard riait avec une écœurante cruauté. Mais Ousmane ne le voyait même plus, obsédé par la haine, par la peine et par le remord. Il se jugeait, au fond, coupable de provoquer la mort des hommes venus le délivrer.

 

Ce que Ousmane ignorait, c’était que ses amis étaient toujours en vie et ils ne s’étaient jamais mieux portés. Ils éprouvaient même une délicieuse euphorie : la joie d’avoir échappé à la mort. Les trois hommes de Diané n’étaient pas rentrés chez eux la veille. Ils ont passé toute la nuit à l’hôtel, accompagnés de femmes qu’ils ont rencontrées dans un bar.
Ils apprirent, bientôt, que leur résidence était en cendre à la suite d’une explosion.

– Ils ont failli nous avoir, avoua Hassan inquiet.

– Nous devons bien remercier ces douces femmes qui ont réussi à nous occuper toute la nuit, nous empêchant de rentrer chez nous. Sinon, nous serions parmi les morts à l’heure actuelle, déclara Daawood.

– Et vous pensez que c’est encore Abou Tall derrière cette explosion ? demanda Ibrahim.

- Non, cette fois-ci, c’est bel et bien un cadeau de Richard. Je le sais, répondit Hassan.

Richard, ayant reçu des directives claires, se préparait à embarquer sur un navire chargé de marchandises qui l’attendait au quai de pêches de Mbour. Leur prochaine destination : Cap Skirring. Il informa Junior de leur départ imminent. Ousmane, accablé par la croyance que ses amis avaient péri, ne tenta de contacter personne, résigné à son sort.


Les hommes de Monsieur Diané, toujours à l’affût, observaient Richard qui, confiant, avait relâché sa vigilance. Ils apprirent rapidement que Richard et sa bande s’apprêtaient à embarquer pour Cap Skirring. Déterminés, ils conçurent un plan pour s’infiltrer à bord du navire incognito.

– J’ai l’impression d’entrer en enfer, avoua Hassan.

- C’est malheureusement notre seule solution, remarqua Daawood.
L’embarquement ne s’effectua pas sans problèmes. Mais grâce à leur ingéniosité et à une coordination sans faille, ils parvinrent à se glisser à bord

 

Au cœur de Dakar, dans l’enceinte du commissariat, Diané et Alioune Ali recevaient des nouvelles fraîches de Hassan et Ibrahim. La nouvelle tombait : Ousmane était à bord d’un navire en partance pour Cap Skirring.
Diané estimait impératif de mettre Mohamed Ali au parfum.
– Selon les dernières informations, commença Diané, votre fils est en bonne santé et a été d’une aide précieuse pour notre enquête, nous fournissant des indices cruciaux à chaque étape. Actuellement, ses ravisseurs mettent le cap sur Ziguinchor. Mes hommes sont déjà à leur poursuite.

– Mon cher Diané, je vous estime beaucoup. Mais laissez-moi vous dire que je ne comprends pas votre façon d’agir. Jusqu’à présent, je vous ai laissé les mains libres. J’admire votre organisation. Et le soin avec lequel vos dossiers sont établis vous a valu notre sympathie à tous. Mais voyez-vous comment ma famille est inquiète. Nous sommes submergés de messages d’Abou Tall se proclamant coupable de tous ces forfaits. Pourquoi ne pas le capturer sur-le-champ et exiger qu’il ramène mon fils ? J’en ai assez d’attendre. Il est temps d’agir !
Diané, calme et posé malgré la pression, répondit avec assurance.

– Je comprends parfaitement votre désarroi, monsieur. Cependant, nous ne pouvons pas procéder à l’arrestation d’Abou Tall sur la seule base de ces messages. Ce n’est pas conforme à nos méthodes d’enquête. Ces messages pourraient très bien être des leurres destinés à nous égarer. Je vous en prie, avec tout le respect que je vous dois, laissez-nous agir selon nos protocoles. Ne voyez-vous pas que j’ai déjà mis mes hommes en péril pour assurer le retour de votre fils ?

- Que Dieu protège Ousmane, pria Mohamed Ali.

– Et qu’Il protège mes hommes aussi, lança Diané.

– Je vous prie de m’excuser pour mon emportement , s’excusa Mohamed. C’est insupportable… Je ne parviens pas à comprendre pourquoi ils ont pris mon fils. Qu’est-ce qu’ils lui veulent ?

– Nous n’avons pas encore déterminé la raison de cet enlèvement, répondit Diané. Mais nous espérons le découvrir très bientôt.

Alioune Ali, avec une certitude sombre, intervint.
– Vous êtes conscient que Abou Tall ne reculera devant rien pour dominer notre famille. Ousmane est devenu un pion dans son jeu cruel pour nous anéantir. Cet homme doit être arrêté.

– Nous ne pouvons pas accuser Abou Tall sans preuves tangibles. Nos indices actuels sont prometteurs et nous devons les suivre. Ils nous mèneront inévitablement au véritable responsable. Si Abou Tall est impliqué, nous le découvrirons en temps voulu.

Mohamed Ali, consumé par la vengeance, répondit avec une détermination farouche.
– Si jamais il s’avère qu’Abou Tall est le cerveau de cette machination, je le jure, je l’éliminerai moi-même, sans le moindre remords, peu importent les répercussions.

– Je vous en prie, ne parlez pas ainsi, intervint Diané. Il est de votre devoir de laisser la justice suivre son cours. Vous n’avez pas à vous abaisser à de telles extrémités.

– Cet individu représente une réelle menace, confessa Alioune Ali d’une voix chargée d’inquiétude. Il porte peu d’affection à notre égard.
– Restons maîtres de nos émotions, répondit Diané. Concentrons-nous sur l’identification de l’instigateur de ces actes répréhensibles.

Cap vers l’Inconnu

Le navire continuait inlassablement sa route vers Cap Skirring, emportant avec lui les hommes de Diané, dissimulés parmi l’équipage. L’atmosphère était tendue, l’air saturé de la présence menaçante des hommes de Richard, armés jusqu’aux dents. Pour les trois compagnons, toute tentative de sauvetage semblait vouée à l’échec dans cet environnement hostile.

Cependant, un élément leur échappait : Richard avait été informé par un message cryptique du grand chef que Hassan et Ibrahim étaient non seulement vivants, mais également au courant de leur destination finale. Richard, ignorant la présence de ses rivaux à bord, ressentait une humiliation cuisante. Convaincu d’avoir échappé à ses poursuivants, il fut pris de court par cette révélation.
Dans un élan de ruse, il décida de brouiller les pistes. Avec l’intention de semer la confusion parmi ses adversaires, il donna l’ordre de modifier le cap du navire, prenant la direction de Banjul, loin de leur destination initiale de Cap Skirring.

Hassan, les yeux rivés sur la boussole, constata le changement de cap avec inquiétude.
– Le navire modifie sa trajectoire, dit-il.
Monsieur X, scrutant l’horizon, acquiesça.
– Nous prenons une autre direction, confirma-t-il.
Ibrahim, perplexe, interrogea ses compagnons.
– Où pensez-vous qu’il nous emmène ?
Hassan, fronçant les sourcils, répondit :
– Vers la Gambie, sans aucun doute.
Ibrahim, l’angoisse perçant dans sa voix, lança une hypothèse troublante.
– Croyez-vous qu’ils ont découvert que nous sommes encore en vie ?
Hassan, avec un regard sombre, murmura :
– C’est fort probable.

 

Dans l’antre de ses pensées tourmentées, Monsieur Diané, était rongé par l’inquiétude. L’incertitude pesait lourd sur son cœur ; il était sans nouvelles de ses hommes. Étaient-ils encore en vie ou déjà prisonniers de Richard ? Il tournait en rond, cherchant désespérément un moyen de les contacter.
C’est alors que Mlle Aicha, sa secrétaire, vint interrompre le cours tumultueux de ses réflexions.
– Vous avez de la visite, annonça-t-elle d’une voix qui se voulait rassurante.
C’était Alioune Ali, son fidèle coéquipier.
Sans perdre un instant, Diané l’accueillit dans son bureau, espérant qu’il apportait avec lui des nouvelles, un signe, quelque chose qui pourrait éclairer l’obscurité de la situation.
– Quelle occasion m’amène le plaisir de votre visite ? demanda Diané avec un sourire.
– Vous semblez avoir oublié notre collaboration sur cette affaire, rétorqua Alioune Ali avec un brin de malice.
– Absolument pas, répondit Diané.
– Avez-vous eu des nouvelles de nos détectives ? s’enquit Alioune Ali, l’air concerné.
– Le silence radio prévaut, mais je reste optimiste quant à leur sécurité, admit Diané.
– Votre dévouement dans cette enquête force l’admiration. Votre compétence est indéniable, complimenta Alioune Ali.
– Je vous remercie, mais je ne fais qu’honorer mes responsabilités, dit Diané avec humilité.
– Votre expertise est évidente. Que diriez-vous de prendre la tête des enquêtes au Bureau du Procureur ? Vous êtes taillé pour ce rôle, proposa Alioune Ali avec sérieux.
– C’est une proposition alléchante, et je vous en suis reconnaissant. Cependant, je dois clore cette affaire avant de considérer toute autre opportunité, réfléchit Diané à haute voix.
– Prenez le temps qu’il vous faut. Je suis convaincu que vous y excelleriez, insista Alioune Ali avec assurance.
– L’avenir nous le dira, conclut Diané, non sans une pointe de curiosité.
– En vérité, je suis là pour une autre raison également. Le Procureur m’a confié une mission urgente au Maroc. Je serai donc absent pendant trois jours.
– Ainsi, vous nous laissez en plein milieu de l’affaire ?
– Loin de là. Je reste joignable et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous soutenir. Ne vous inquiétez pas pour cela.
– Très bien, je vous souhaite un bon voyage alors.
– Je vous remercie.

 

Les trois hommes de Diané allaient-ils périr en mer ? Non, leur aventure ne pouvait s’arrêter d’une façon si absurde. Par une habile discrétion, ils évitèrent toute détection et atteignirent Banjul sans encombre. Richard et ses hommes, une fois à terre, se dispersèrent rapidement, chacun conscient de sa mission.
Hassan, Ibrahim et Daawood, déterminés à ne pas laisser filer leurs cibles, les prirent en filature. Cependant, à la sortie du port, un camion attendait Richard et ses hommes.

- Que devons-nous faire ? interrogea Hassan.
– Nous maintenons la filature, répliqua Ibrahim, l’œil vif et déterminé.
– Allons-y, prenons un taxi, proposa Daawood, prenant les devants.
Les trois hommes hélaient un taxi et donnaient des instructions précises au chauffeur : suivre le camion sans se faire remarquer. Le véhicule s’élança, serpentant à travers Serrekunda, Lamin, puis Yundum, avant d’atteindre finalement Brikama. Là, Richard, Junior et Ousmane descendirent, s’engouffrant dans une demeure imposante qui semblait dissimuler bien des secrets.

Après une surveillance minutieuse de la demeure, les trois hommes de Diané optèrent pour un logement à proximité, afin de garder un œil vigilant sur les allées et venues de la maison de Richard. Une fois établis, ils élaborèrent un plan pour libérer Ousmane. Leur première idée fut de s’infiltrer dans la maison pour en évaluer l’intérieur, mais ils réalisèrent vite le danger de cette entreprise. Ils conclurent qu’il était préférable de trouver une alternative moins périlleuse.


Le crépuscule tombait sur la ville, et les trois hommes de Diané, armés de leurs jumelles, se postèrent en face de la demeure de Richard, espérant y déceler un indice, une faille. L’heure avançait, et alors que l’horloge égrenait les derniers instants avant minuit, une silhouette énigmatique fit son apparition. Vêtu de noir, un chapeau dissimulant ses traits, l’homme pénétra dans la maison non pas accueilli par le gardien, mais par une clé qu’il possédait, un détail qui n’échappa pas aux détectives.
Qui pouvait bien être cet homme qui entrait si librement dans la forteresse de Richard ? Les trois compagnons scrutèrent chaque mouvement à travers les fenêtres. L’inconnu, une fois à l’intérieur, dans sa chambre, se défit de son accoutrement sombre, et c’est alors que Hassan, avec une acuité de détective chevronné, remarqua une cicatrice proéminente sur le dos de l’homme. Un indice, peut-être, ou la clé d’un mystère plus grand encore.

- Voyez-vous ce que je vois ? demanda Hassan, intrigué, à ses compagnons.
– Qu’avez-vous remarqué ? s’enquit Daawood, l’œil collé à ses jumelles.
– La cicatrice sur le dos de cet homme, révéla Hassan.
– Effectivement, je la distingue aussi, confirma Ibrahim, ajustant le focus de ses jumelles.
– Elle ressemble à une brûlure, observa Daawood, scrutant attentivement.
Soudain, l’obscurité enveloppa la chambre, les plongeant dans l’incertitude. Privés de leur unique source de renseignements visuels, ils décidèrent de battre en retraite. Il était temps de partager cette découverte avec Monsieur Diané et de peaufiner leur stratégie.

 

Diané, submergé par l’inquiétude, ne parvenait plus à contenir son anxiété face au silence de ses hommes. Alors qu’il se perdait dans ses pensées, sa secrétaire vint lui annoncer une nouvelle qui allait apaiser son esprit tourmenté : Hassan et Ibrahim étaient en ligne.
– Eh Hassan, Ibrahim, comment vous allez ? demanda-t-il avec empressement.
– Nous allons très bien, Monsieur Diané, répondirent-ils, rassurants.
Un soupir de soulagement s’échappa de Diané.
– Dieu merci, j’étais si inquiet. Comment se déroulent les choses à Cap Skirring ?
– En réalité, nous ne sommes pas à Cap Skirring. Nous sommes en Gambie, à Brikama, révélèrent-ils.
Diané fut pris de court, s’interrogea.
– Comment êtes-vous arrivés là-bas ?
– Le bateau a changé de cap à la dernière minute, avouèrent-ils.

- Richard et son équipe sont-ils également sur les lieux ?
– Effectivement, Ousmane est avec eux. Et plus étrange encore, un individu inconnu s’est joint à eux au cœur de la nuit.
– Un inconnu ? Avez-vous une idée de son identité ?
– Hélas, son visage nous est resté caché. Cependant, une cicatrice imposante marque son dos.
– Une cicatrice, dites-vous ? Quelle en est la forme ?
– Elle évoque les stigmates d’une brûlure ancienne. Nos connaissances s’arrêtent là. Nous avons tout de même réussi à le photographier.
– Parfait, transmettez-moi cette photo sur-le-champ !
Dès que la photographie parvint à Diané, il la scruta avec une concentration extrême, chaque détail passant sous son regard aiguisé. C’est alors qu’un élément, presque imperceptible, capta son attention. Un indice, subtil mais potentiellement révolutionnaire, qui pourrait redéfinir entièrement le cours de l’enquête.
– Demain, je dépêcherai un avion pour vous reconduire à Dakar, reprit aussitôt Diané.
– Mais notre quête n’est pas achevée.
– Je sais. Néanmoins, la situation actuelle est trop dangereuse. Il est impératif que vous reveniez.
– On est à deux doigt de réussir.
– Ne vous inquiétez pas, j’ai pris les mesures nécessaires. La situation est sous contrôle. Soyez à l’aéroport demain matin ; L’avion vous attendra.
– Compris, Monsieur Diané.

 

Le lendemain, en début d’après-midi, Hassan, Ibrahim et l’énigmatique Daawood avaient finalement atteint Dakar, guidés par Diané. Pour Daawood, l’excitation de redécouvrir Dakar était palpable.

Alors qu’ils anticipaient avec délice le confort de leur foyer et le plaisir d’une douche revigorante, le tintement soudain de la sonnette de leur appartement les arrêta net.
Hassan et Ibrahim échangèrent un regard hésitant. Leur dévouement professionnel, aussi exigeant qu’inflexible, ne leur accordait aucun répit. Poussant un soupir résigné, ils s’accordèrent sans un mot pour ouvrir la porte. Un jeune homme à la chevelure ébène et au sourire charmeur se faufila dans leur vestibule avec l’agilité d’un vendeur ambulant.
– Ismaël Sarr, du journal Dakar Online. Je cherche les inséparables Hassan et Ibrahim, c’est bien ici ?

Hassan et Ibrahim n’étaient pas du genre à décliner une entrevue. Ismaël Sarr, ayant vent de leur affiliation avec la Police Nationale, était venu quérir des éclaircissements.
Avec une curiosité journalistique insatiable, il les interrogea sur l’affaire qui tenait en haleine toute la ville : l’enlèvement d’Ousmane Ali. Quelles en étaient les motivations ? Où pouvait-il être détenu ? Pourquoi demeurait-il introuvable ? Et surtout, qui pouvait être derrière cet acte odieux ?
Sans détour, Hassan et Ibrahim partagèrent leur savoir, dévoilant les arcanes de leur enquête. Cependant, un nouveau coup de sonnette, autoritaire et pressant, vint briser le fil de leur conversation. Il semblait que tout Dakar avait soif de leurs réponses.
– Excusez-nous un instant, Monsieur Sarr, fit Hassan en se dirigeant vers la porte.
– C’est chez vous, répondit le journaliste avec un hochement de tête compréhensif.

Et une fois de plus, la porte s’ouvrit pour laisser entrer Monsieur Diané.
– Mes chers amis, comment allez-vous ? lança-t-il avec un enthousiasme feint.
– En pleine forme, monsieur. Je vous en prie, faites comme chez vous, répondirent-ils en chœur.
– Merci, c’est aimable à vous.
Guidés par Hassan et Ibrahim, Monsieur Diané traversa le seuil du bureau, tandis qu’Ismaël, d’une patience exemplaire, dégustait son thé dans le salon.
– À quoi devons-nous l’honneur de cette visite impromptue ? interrogea Hassan.
– Ai-je perdu mon privilège de vous rendre visite sans cérémonie ? rétorqua Diané avec un sourire énigmatique.
– Vous serez toujours le bienvenu ici.
– Votre expédition s’est-elle bien déroulée ?
– À merveille. Nous avons parcouru un nombre incalculable de villes en un temps record.
– Alors, l’aventure fut fructueuse ?
– Elle l’aurait été davantage si nous étions parvenus à ramener Ousmane avec nous.
– Votre dévouement dans cette affaire ne m’échappe pas, et je vous en suis grandement reconnaissant. Cependant, il était impératif que vous reveniez. J’ai besoin de vos talents ici, à mes côtés.

- Où se trouve Alioune Ali ? Il pourrait vous être d’une aide précieuse, n’est-ce pas ?
– Il est actuellement en mission urgente, au Maroc. Et vous avez déjà accompli l’essentiel. La photographie que vous m’avez envoyée constitue notre indice le plus prometteur. Vous ne mesurez pas l’ampleur de votre découverte.
– Cette photo ne révèle rien d’extraordinaire. On ne distingue même pas le visage de cet homme.
– C’est exact. Néanmoins, elle pourrait nous orienter vers une personne ou un lieu. Imaginez un instant que ce soit leur chef.
– Leur chef ? Vous pourriez bien avoir raison.
Les deux détectives privés s’étaient totalement désintéressés du journaliste qu’ils avaient laissé dans le salon. Ce dernier, d’une patience angélique, sirotait son thé, confortablement installé sur le canapé.

– Comment se fait-il que vous ne m’ayez pas informé de la présence d’un invité ? s’enquit Diané avec une pointe de reproche.
– Nous avons complètement omis de vous le mentionner. C’est Ismaël Sarr, journaliste pour le Dakar Online. Il avait des questions à nous poser.
– Des questions ? Sur quel sujet ?
– Sur l’enquête en cours.
– Et vous lui avez fourni des réponses ?
– Oui, monsieur !
– Pourquoi avez-vous fait cela ? Vous n’avez pas à divulguer la moindre information à quiconque.
– Nous ne pensions pas que cela poserait problème.
– Mais si ! Il y a de sérieux problèmes. Ce qui se passe ici doit rester confidentiel.
– Mais monsieur…
– Ai-je été clair ? interrompit Diané d’un ton ferme.
– Oui, monsieur.
– Que cela ne se reproduise plus.

Mensonges et Vérités

Deux jours plus tard, un lundi radieux se levait sur Dakar, marquant le retour d’Alioune Ali de sa mission. Sa première escale fut chez Mohamed Ali, son frère, où il s’enquit de sa santé et des dernières nouvelles. Après ces retrouvailles fraternelles, il se rendit chez lui, impatient de se délester de ses bagages et de se rafraîchir sous une douche bien méritée. Enfin, répondant à la convocation de Monsieur Diané, il se dirigea vers son bureau. Là, il retrouva Hassan, Ibrahim et l’insaisissable Daawood, tous réunis dans l’attente de ses nouvelles.

– Salutations, mes amis !
– Te voilà enfin, le grand voyageur ! s’exclama Diané avec un sourire ironique.
– Alors, mon absence a laissé un vide ?
– Oh, tu sais, on s’est débrouillés sans toi.
– C’est ce que je pensais. Sinon, vous avez avancé sur l’enquête ? Hassan, Ibrahim, n’étiez-vous pas censés être à la poursuite de Rachid ?
– C’est moi qui ai insisté pour leur retour.
– Je vois… Mais alors, qui est aux trousses de Rachid maintenant ?
– Personne, pour l’instant.
– Comment ça, personne ? C’était notre meilleure piste et vous l’avez abandonnée ?
– Je n’ai rien abandonné. L’enquête est toujours active.
– On dirait que vous improvisez là !

– Alioune, détends-toi, je t’assure que j’ai la situation bien en main.
– J’aimerais pouvoir vous croire, mais non. Je suis navré. C’est la sécurité de mon neveu qui est en jeu ici.
– Et si c’était toi, Alioune, qui mettais en danger la vie de ton neveu ?
– Je ne comprends pas où vous voulez en venir, Monsieur Diané.
– Ma question est simple : et si c’était toi qui compromettais la sécurité d’Ousmane ?
– Comment osez-vous insinuer une telle chose ? Ne voyez-vous pas tous les efforts que je déploie pour retrouver Ousmane ? Et vous avez l’audace de suggérer que je suis une menace pour lui !
– Calme-toi, ce n’était qu’une simple question innocente.
– Me calmer ? C’est hors de question !
– Très bien. Alors, où étais-tu parti en mission ?
– Au Maroc, évidemment. C’est ce que je vous avais dit, n’est-ce pas ?
– Oui, mais il s’avère que tu as menti.
– Menti ? Alors, éclairez-moi, Monsieur Diané, où étais-je selon vous ?
– Je l’ignore ! Mais j’ai pris la peine de vérifier auprès du Procureur s’il vous avait réellement envoyé en mission au Maroc. Et quelle fut sa réponse ? Un non catégorique ! Vous m’avez donc menti, cher Alioune.

- Écoutez, je l’admets, le procureur ne m’a pas envoyé au Maroc. J’y étais pour des raisons qui me sont propres. Je ne voulais pas que vous pensiez que l’enquête m’était indifférente. C’était une façade, rien de plus.
– Et si je vous disais que vous mentez encore ?
Hassan, Ibrahim et Daawood assistaient à cet échange avec une incrédulité grandissante. Les interrogations accusatrices de Diané, les justifications hésitantes d’Alioune Ali, tout cela leur échappait. Ils ne saisissaient pas les véritables enjeux de cette réunion, orchestrée par un Diané visiblement très bien informé.
Alioune Ali, quant à lui, persistait dans sa défense.
– Là, je suis perdu, avoua-t-il, l’irritation perçant dans sa voix.

– Permettez-moi de dissiper les ombres qui planent sur cette affaire. Vous avez été le premier à pointer du doigt Abou Tall comme le cerveau de l’enlèvement. Par la suite, vous avez méticuleusement semé des indices pour accréditer cette thèse, éparpillant son nom sur les scènes de crimes. L’assassinat d’Oumar Aw dans mon bureau, les intrusions chez Hassan et Ibrahim, l’explosion chez Mahmoud Abbas, sans oublier l’arme estampillée Black Diamond que vous avez dérobée puis abandonnée au Monument de la Renaissance, dans le but évident de nous induire en erreur. Vous n’avez pas hésité à éliminer toute personne susceptible de remonter jusqu’à vous : Omar Aw, Julien, Mahmoud Abbas. Vous avez même orchestré une tentative d’assassinat contre mes hommes à Saly. Mais ce n’est pas tout. J’ai longtemps cherché à comprendre pourquoi nos adversaires semblaient toujours un pas devant nous, anticipant chacun de nos mouvements. C’est alors que j’ai envisagé la présence d’une taupe parmi nous. Une recherche minutieuse m’a mené à la vérité : c’était vous. Oui, c’est vous qui avez trahi chaque plan, chaque stratégie. Vous avez informé Richard que Hassan, Ibrahim et Daawood étaient encore en vie, ce qui l’a poussé à fuir vers Banjul, ignorant que mes hommes étaient à bord du même navire. Une information que vous ne possédiez pas. Ils l’ont suivi jusqu’à son repaire, et vous, vous les avez rejoint, prétendant partir pour le Maroc. Mes hommes vous ont vu, là, dans la demeure de Richard.

– Attendez, comment se fait-il qu’ils m’aient aperçu ? s’interrogea Alioune, incapable de masquer son trouble face à l’ire grandissante de Diané.
– Ils t’ont vu, certes de manière imprécise. Mais j’étais certain de ton identité. Et tu sais pourquoi ?
– Non, je l’ignore.
– C’est cette cicatrice sur ton dos. La même cicatrice que tu portais à l’époque de l’école militaire. Elle ne m’a jamais quitté l’esprit.
– Comment ont-ils pu la voir ?
– Ils t’observaient depuis ta fenêtre, Alioune. Ils ont pris ta cicatrice en photo et me l’ont envoyée. Et maintenant, je veux que tu te déshabilles ici, pour que tous puissent voir de leurs propres yeux.
Sans autre choix, Alioune Ali se défit de ses vêtements, révélant aux hommes de Diané la cicatrice familière, celle-là même qu’ils avaient vue cette nuit au Brikama. La surprise fut générale.
– Mon Dieu ! s’écria Hassan, abasourdi.
– Mes yeux me trompent-ils ? articula Ibrahim, stupéfait.
– C’est une réalité bien amère, mes amis, confirma Diané. Cet homme, avec qui nous avons longtemps travaillé, est le véritable architecte de nos malheurs. Le ravisseur d’Ousmane, l’assassin d’innocents, le destructeur de votre demeures. Il était le maître d’œuvre derrière Rachid et Junior. Il s’est rapproché de nous sous couvert d’aide, uniquement pour glaner des informations et nous devancer. Mais le jeu est terminé. Tu répondras de tes actes.

D’un geste prompt, Monsieur Diané se dirigea vers l’autre pièce dissimulée dans son bureau.
– Mohamed Ali, vous pouvez sortir maintenant.
– Quoi ? Mohamed est ici ? s’étonna Alioune, l’incrédulité teintant sa voix.
– Ils sont tous présents. La famille Ali et la famille Tall, que tu as tenté d’incriminer, sont ici.
Alors, Mohamed Ali émergea de la pièce, suivi de sa famille et de celle d’Abou Tall.
Les yeux emplis de larmes, il fixa son frère :
– Pourquoi ? Pourquoi as-tu fait ça ?
Alioune Ali, accablé, détourna le regard, incapable d’affronter son frère.
– Je cherchais à me venger d’Abou Tall… pour nous… pour notre bien. Je…
– Tais-toi ! explosa Mohamed. Est-ce ainsi que tu prétends m’aider ? En me privant de mon propre fils ?
– Tu devrais me remercier d’avoir cherché à te venger.
– Au prix de combien d’innocents ? Combien de vies fauchées ?
– C’était le prix à payer pour une telle vengeance.
– Tu me répugnes. Tu n’es qu’un monstre !
– Il ne cherchait pas à vous venger, intervint Abou Tall.
– Que voulez-vous dire ? interrogea Hassan, perplexe.

– Alioune avait orchestré un complot diabolique pour me faire accuser de ses propres crimes, afin de m’envoyer derrière les barreaux. Il avait même passé un accord avec Rachid Mara, le directeur général de ma société. En cas de mon incarcération, il prévoyait de racheter mes parts ainsi que celles des autres membres du comité. Cela lui aurait permis de devenir l’actionnaire majoritaire de Black Diamond, et par conséquent, son président. Son objectif n’a jamais été de vous venger. C’était une machination pour s’emparer du pouvoir.
La rage de Mohamed Ali montait en crescendo, son regard ne pouvait plus se poser sur son frère sans être empli de haine. L’idée de mettre fin aux jours d’Alioune lui traversait l’esprit. Cependant, sa femme, d’une voix apaisante, tenta de le dissuader de commettre l’irréparable.
– Mohamed, retrouve ton calme. Laissons la justice suivre son cours. Je partage ton dégoût envers cet homme, mais ne tombons pas dans la vengeance. Nous ne sommes pas des assassins.
– Elle a raison, Mohamed, dit Diané aussitôt. Tu es bien au-dessus de cela. Maintenant, laisse-nous poursuivre notre enquête. Nous te ramènerons ton fils au plus vite. Nous connaissons sa localisation.

- Que la prison soit ton dernier refuge, cracha Mohamed à l’adresse de son frère. Égoïste impénitent !
Hassan et Ibrahim, contenant à peine leur indignation, s’adressèrent à Alioune.
– Comment avez-vous pu nous infliger une telle trahison ? s’insurgea Hassan.
– Je regrette sincèrement, balbutia Alioune.
– Des regrets ? C’est tout ce que vous avez à offrir après avoir tenté de nous assassiner à deux reprises ?
– Je… je suis désolé.
– Allez au diable !
Diané intervint alors, l’autorité dans la voix.
– Alioune Ali, vous êtes en état d’arrestation pour meurtre, tentative de meurtre, enlèvement et corruption. Vous avez le droit de garder le silence, car vos paroles pourront être retenues contre vous. Vous avez également droit à un avocat. Si vous ne pouvez pas vous en offrir, il vous en sera désigné un d’office.

Le Triomphe de la Justice

Le lendemain matin, l’Aéroport International Blaise Diagne s’éveillait à une scène chargée d’émotions. La famille Ali, unie par l’anticipation et l’amour, scrutait la piste d’atterrissage en quête de l’avion qui ramènerait leur fils tant aimé. Amina, le cœur battant, se tenait parmi eux, l’espoir chevillé au corps, imaginant les retrouvailles avec son petit ami après une séparation qui avait semblé une éternité.
Diané et ses fidèles compagnons, Hassan, Ibrahim et Daawood, étaient également présents, témoins silencieux de ce moment de conclusion tant attendu. Pour eux, c’était la fin d’un périple semé d’embûches, le dernier acte d’une enquête qui les avait poussés dans leurs derniers retranchements.

Lorsque Ousmane fit son apparition, descendant de l’avion avec une aisance déconcertante, un murmure d’étonnement parcourut la foule. Il était là, sain et sauf, le visage empreint d’une sérénité qui contrastait avec les épreuves qu’il avait dû endurer. Les larmes coulaient inévitablement sur ses joues alors qu’il observait sa famille s’avancer vers lui, leurs visages illuminés par des sourires énigmatiques. C’était le moment où il réalisa à quel point leur absence avait creusé un gouffre dans son cœur, à quel point leur affection lui était essentielle.
Cependant, son chagrin se mua en perplexité lorsqu’il vit Amina s’approcher d’une démarche qui n’était pas la sienne. D’un geste presque frénétique, il la serra dans ses bras, cherchant dans son étreinte les réponses aux questions qui le tourmentaient. Il souhaitait figer le temps, redoutant que la réalité ne lui arrache à nouveau ce qu’il chérissait le plus.

Mais alors qu’il relâchait son étreinte, un frisson parcourut son échine. Hassan, Ibrahim et Daawood, qu’il croyait perdus à jamais, se tenaient là, vivants. Leur présence était un puzzle dont il lui fallait assembler les pièces.
S’avançant vers eux, il chercha dans leurs yeux non pas la gratitude, mais les indices d’une machination qui l’avait tenu éloigné de sa vie passée.

- Vous ne pouvez imaginer le tourment qui m’habitait lorsque Richard m’a annoncé votre mort. Votre sécurité, compromise par mes actions, pesait lourd sur ma conscience. Je vous serai éternellement redevable pour votre sacrifice.
– Il n’y a pas de quoi, rétorqua Hassan, la voix empreinte d’une gravité solennelle. Il était de notre devoir de vous conduire à bon port. Cependant, c’est à Monsieur Diané que revient notre reconnaissance. Sans lui, rien de tout cela n’aurait été possible.
– Monsieur Diané, reprit Ousmane. Je vous suis infiniment reconnaissant.
– Ne me remerciez pas, c’était un effort collectif. Chacun de nous a joué son rôle, apportant sa pierre à l’édifice de votre liberté.
Les retrouvailles furent un ouragan d’émotions. Ousmane pouvait enfin envisager un avenir aux côtés de sa famille et de sa chère Amina Fall.

L’horizon semblait dégagé, la tempête apaisée. La menace qui planait avait été éradiquée par les vaillants hommes de Diané. L’équilibre était restauré, l’ordre triomphait du chaos.
Deux jours plus tard, le verdict tomba comme un couperet : Alioune Ali et ses complices, Richard et Junior, écopèrent de trente ans d’emprisonnement.

 

Deux mois s’étaient écoulés, et le jour tant attendu était arrivé. Ousmane Ali et Amina Fall se tenaient main dans la main, prêts à s’unir pour la vie. Après les épreuves qu’ils avaient traversées, leur décision de se marier n’en était que plus forte, symbolisant un nouveau départ. L’avenir leur souriait, prometteur et radieux. Parmi les invités, Monsieur Diané et ses hommes se mêlaient à la célébration, témoignant de la joie et de l’union retrouvée.
– Monsieur Diané, s’exclama Mohamed Ali, votre présence ici m’honore profondément.
– Comment aurais-je pu ignorer une invitation aussi importante, Mohamed ?
– Merci beaucoup. Dites-moi, comment ça se passe à la Police Nationale ?
– Les vents m’ont été favorables. J’ai récemment été promu.
– Vraiment ? C’est une excellente nouvelle !
– En effet. Je suis nommé Directeur des services actifs de la Police nationale.
– Cela ne m’étonne guère, cher Diané. Votre compétence et votre dévouement vous destinaient à de telles hauteurs. Que le Tout-Puissant vous accompagne dans vos nouvelles fonctions.
- Ainsi soit-il. Votre gratitude me touche, Mohamed Ali.
Alors que ces mots résonnaient, Hassan, Ibrahim et l’énigmatique Daawood se dressèrent également devant lui.
– Il semblerait que Daawood ait renoncé à l’idée de retourner à Saint-Louis, lança Mohamed Ali, une pointe de malice dans la voix.
– C’est vrai, je me plais ici, répliqua l’intéressé.
– Avec Daawood, nous avons relancé notre agence de détectives privés, confia Hassan avec une pointe de fierté.
– Et nous sommes en collaboration directe avec la Police Nationale pour plusieurs affaires ! s’enflamma Ibrahim, son enthousiasme évident.
– Je suis sincèrement heureux pour vous, répondit Mohamed Ali. Votre dévouement dans cette affaire d’enlèvement force le respect. Vous avez toute ma reconnaissance.
– Je dois avouer que je serais perdu sans eux, confessa Monsieur Diané. Leur soutien a été inestimable.
– Sachez que notre loyauté vous est acquise, et si le destin vous met à nouveau à l’épreuve, nous répondrons présents, déclara Hassan avec conviction. La perspective de collaborer à nouveau avec vous est pour nous un honneur.
– Vous avez le don de l’excellence, intervint Daawood avec respect. Être à votre service est un privilège.
– Vos paroles me vont droit au cœur, répondit Diané, ému.

Alors que l’ambiance festive battait son plein, un homme discret s’approcha du directeur des services actifs de la Police nationale, jadis inspecteur général, et lui tendit une enveloppe cachetée. Diané, intrigué, s’excusa et s’éloigna de la foule pour l’ouvrir. À l’intérieur, il trouva un dossier épais et une clé USB. Les premiers mots du dossier captèrent immédiatement son attention : « Opération Double Jeu ».

Le dossier révélait une vérité stupéfiante : Alioune Ali, loin d’être le criminel qu’ils avaient tous cru coupable, était en réalité un agent double. Sa mission ? Infiltrer l’organisation de Richard et Junior pour démasquer le véritable cerveau de l’opération. Tout avait été soigneusement orchestré pour qu’Alioune se retrouve derrière les barreaux, là où le vrai chef, un homme d’influence et de pouvoir, résidait actuellement sous une fausse identité.

La clé USB contenait des enregistrements audio, des vidéos de surveillance et des preuves irréfutables qui non seulement innocentaient Alioune mais mettaient également en lumière l’étendue de la corruption au sein de l’élite. Diané comprit que le temps pressait. Il devait agir vite pour aider Alioune à accomplir sa mission et mettre la main sur le vrai cerveau de l’organisation criminelle avant qu’il ne découvre son identité.